Elle provoque des réactions hostiles , paraît-il ... C'est la Une de Libé
Pas la mienne en tous cas!
Je partage avec Ph. Val l'amour de .. Spinoza.
Voici le texte que j'ai écrit à la sortie de son livre en 2007
Hymne à la joie prosaïque à l’usage de toutes les générations
Traité de savoir-survivre par temps obscurs
Philippe Val
Directeur de Charlie Hebdo, humoriste, polémiste aguerri, auteur d’essais inclassables, Philippe Val est un excentrique. Pas la moindre trace de titre autorisé sur ce C.V. Un philosophe, Philippe Val ? L’auteur du Traité du savoir survivre par temps obscurs ne peut se prévaloir que d’une plume courroucée mise chaque mercredi au service de sa rédaction, à mille lieux de toute ambition académique. Pourtant ce fantaisiste est également un conteur capable de survoler cinq mille ans de théories philosophiques réfractées par les lentilles de Spinoza et redéployées en une cascade de fragments drolatiques. Non content de s’approprier une tradition religieuse revisitée (« L’auteur inconnu du texte biblique prétend que c’est Dieu qui a chassé Adam et Eve du Paradis Terrestre. En réalité, ce sont eux qui ont foutu le camp. Car il en va du bonheur comme du reste, on n’est jamais si bien servi que par soi-même. Les portions que Dieu distribuait, même si elles étaient correctes, demandaient que l’on fasse une petite enquête pour savoir s’il n’était pas possible de les augmenter »), Philippe Val nous livre également une suite d’aperçus sur l’Histoire, depuis Droctulft le barbare (qui s’inclina devant la haute civilisation de Ravenne) jusqu’à son double inversé, (l’officier nazi qui aimai Schubert mais pas les musiciens juifs), sans oublier un panorama général de l’Esprit s’arrachant à la Nature pour en détourner le cours en faveur de sa dernière créature, l’être humain.
Au tout début de l’aventure humaine est apparu un certain « singe au poil rare » et au cortex hypertrophié qui conçut le projet extravagant de brider sa propre nature en lui imposant un certain nombre d’interdits contrevenant aux implacables impératifs de l’espèce. Motivé par cette surprise initiale - pourquoi l’interdit de l’inceste ou de la polygamie ? – Philippe Val articule sa réflexion autour d’une idée simple : l’homme n’est qu’un « animal spéculatif » (« spéculer » vient du latin speculum qui veut dire miroir, réflexion), un étrange bipède déboussolé qui pense et qui se pense, qui est capable de consacrer une part non négligeable de son existence à s’observer lui-même, qui peut même jouir du regard qu’il porte sus ses propres pensées. Ce curieux spécimen contre-nature de la nature est comparable à un poisson qui aurait découvert la joie d’une liberté conquise par l’exil de sa volonté hors de son milieu naturel. Virevolter, planer, spéculer, énoncer une parole libérée de ses attaches originelles, telle serait, selon l’auteur, notre vocation et notre ultime espérance puisque : « la liberté n’est rien d’autre que le chemin à parcourir pour accroître nos possibilités d’être heureux ».
Dans son combat pour l’émancipation du dernier des primates, l’auteur rend hommage à tous les bienfaiteurs de l’humanité qui ont tenté de nous délivrer de la superstition en effectuant une « O.P.A. inamicale sur la divinité » pour le plus grand profit des esprits droits. Parce qu’ils ont préféré la réflexion inquiète aux certitudes malsaines de la foi, de la Nature ou de toute autre fadaise, presque tous les savants, philosophes et libres penseurs on dit « non » à l’espèce qui n’a d’autre objectif que sa propre survie . Parsemé d’obstacles - la Nature ne baisse jamais les bras - le chemin de notre émancipation est en lui-même exaltant et même jubilatoire comme en témoignent certains de ces aphorismes et pointes : « Et lorsqu’on dit que Dieu est amour, on dit vrai. Dieu est une pulsion amoureuse qui pousse à la guerre afin que, des viols qui s’ensuivent, naissent des individus robustes » ; ou aussi : « Gaston Bachelard disait qu’on pouvait avoir conscience d’avoir conscience d’avoir conscience, mais qu’au-delà, ça devenait vraiment difficile » ; ou encore : « Celui qui a la chance de ne jamais être mélancolique a également la malchance d’être un abruti », aux accents parfois nietzschéens.
Si le plaidoyer unilatéral du philosophe en faveur de la « culture » appelle quelques réserves (quid des mises en garde d’Epicure et de Rousseau ?) les mérites de cet hymne à la joie spirituel et laïc l’emportent sur ses faiblesses et facilités.
Il nous reste pour finir à remercier Philippe Val d’avoir bien voulu se constituer en avocat amical du plaignant dans le procès qui oppose l’Homme à son épouse et tutrice légale, la Nature. Procès dont l’enjeu ne peut être qu’un divorce à l’ancienne, pour faute avérée et incompatibilité d’humeur.
mercredi 13 mai 2009
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2 commentaires:
C'est un article que vous avec publié ?
J'ai découvert Spinoza cette année (en hypokhâgne). Je trouve assez fascinant l'aboutissement d'une telle pensée au XVIIe siècle : comment écrire l'Ethique avant Kant ?
Dommage qu'on ne l'étudie pas (plus souvent ?) au lycée...
Oui sur l'un de mes blogs..
En ce qui concerne Spinoza, je '
l'ai étudié cette année avec mes élèves de terminale et aussi avec ceux de HK...
Qu'est-ce que vous trouvez fascinant, au fait?
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