Journal Ouest-France du vendredi 6 juillet 2007
par Dick Howard (*)
Élection américaine : le troisième homme
Peut-on réinventer le centre ? Bien que l'expérience française n'ait pas été à la hauteur des espérances de François Bayrou, l'Amérique pourrait, à son tour, reprendre le flambeau.
Une récente couverture de Time magazine a frappé les esprits. On y voit ensemble le grand Arnold Schwarzenegger et le petit Michael Bloomberg : le gouverneur républicain, très indépendant et bien réélu de la Californie, et le maire de New York, élu et réélu en tant que républicain indépendant. La Californie, comme New York, penche normalement du côté démocrate.
« Qui a besoin de Washington ? », claironne Time. Alors que le Congrès et le Président se mettent des bâtons dans les roues, l'ordre du jour politique se resserre sur ce qui est faisable : le quotidien, bien sûr, mais aussi l'écologie, l'éducation, la santé, les embouteillages dans la ville.
Comme il est né en Autriche, « Arnold » ne pourra pas briguer la présidence ; mais « Mike » semble y songer. Il a annoncé qu'il quittait le Parti républicain (auquel il n'a adhéré qu'en 2001, afin de briguer la mairie contre un Parti démocrate dominé par ses éléphants). Désormais, Bloomberg est officiellement « indépendant ». Malgré les démentis, il apparaît bien qu'il songe à se présenter à la présidentielle de 2008.
Multimilliardaire, Bloomberg est capable de financer lui-même une campagne qui coûterait jusqu'à 500 millions de dollars. Il n'a pas besoin de s'engager dans des primaires (où une dizaine de candidats, dans chacun des partis, cherchent une place), car il se présentera comme « indépendant ». Il pourra attendre la désignation des candidats rivaux avant de se lancer (ou non) selon son évaluation de la situation.
L'Amérique a déjà connu ce type de candidature qui trouble le jeu des deux grands partis. Ce fut le cas, en 1992, lorsqu'un autre milliardaire, Ross Perot, s'offrit une campagne qui, malgré des gaffes qui auraient pu être fatales, lui amena presque 20 millions de voix. Le vainqueur fut Bill Clinton, ce qui n'était pas l'objectif des électeurs de Perot.
Si Bloomberg y va, qui en fera les frais ? Pour l'heure, le face-à-face probable opposera Hillary Clinton, choisie par les Démocrates, à Rudy Giuliani, désigné par les Républicains. Avec Bloomberg, cela ferait trois New-Yorkais en lice pour la présidence. Giuliani n'a pas d'expérience nationale : son auréole fut acquise à la mairie de New York dans la foulée du 11 septembre 2001. Sur ce terrain, Bloomberg lui dame le pion. Hillary Clinton, en revanche, occupe le devant de la scène depuis l'élection de son mari en 1992. Compétente, méthodique, soutenue par une équipe expérimentée, elle déçoit cependant l'aile militante du parti qui lui préfère le jeune Barak Obama. Un candidat indépendant pourrait donc mordre sur cet électorat.
L'électeur de 2008 aura-t-il des raisons de voter pour l'un des candidats ou se décidera-t-il contre les institutions bloquées ? Le pragmatique Michael Bloomberg ne partira pas dans une aventure sans issue, comme le candidat vert Ralph Nader, dont les trois millions de voix firent défaut au démocrate Al Gore en 2000.
Enfin - et c'est une différence avec la France, dans un système politique où les lois du marché sont dominantes -, le poids d'un multimilliardaire ne peut être ignoré.
(*) Professeur de philosophie à Stony Brook University, l'université de New York. Auteur de La démocratie à l'épreuve (Buchet-Chastel).
"Article 1/1"
Peut-on réinventer le centre ? Bien que l'expérience française n'ait pas été à la hauteur des espérances de François Bayrou, l'Amérique pourrait, à son tour, reprendre le flambeau.
Une récente couverture de Time magazine a frappé les esprits. On y voit ensemble le grand Arnold Schwarzenegger et le petit Michael Bloomberg : le gouverneur républicain, très indépendant et bien réélu de la Californie, et le maire de New York, élu et réélu en tant que républicain indépendant. La Californie, comme New York, penche normalement du côté démocrate.
« Qui a besoin de Washington ? », claironne Time. Alors que le Congrès et le Président se mettent des bâtons dans les roues, l'ordre du jour politique se resserre sur ce qui est faisable : le quotidien, bien sûr, mais aussi l'écologie, l'éducation, la santé, les embouteillages dans la ville.
Comme il est né en Autriche, « Arnold » ne pourra pas briguer la présidence ; mais « Mike » semble y songer. Il a annoncé qu'il quittait le Parti républicain (auquel il n'a adhéré qu'en 2001, afin de briguer la mairie contre un Parti démocrate dominé par ses éléphants). Désormais, Bloomberg est officiellement « indépendant ». Malgré les démentis, il apparaît bien qu'il songe à se présenter à la présidentielle de 2008.
Multimilliardaire, Bloomberg est capable de financer lui-même une campagne qui coûterait jusqu'à 500 millions de dollars. Il n'a pas besoin de s'engager dans des primaires (où une dizaine de candidats, dans chacun des partis, cherchent une place), car il se présentera comme « indépendant ». Il pourra attendre la désignation des candidats rivaux avant de se lancer (ou non) selon son évaluation de la situation.
L'Amérique a déjà connu ce type de candidature qui trouble le jeu des deux grands partis. Ce fut le cas, en 1992, lorsqu'un autre milliardaire, Ross Perot, s'offrit une campagne qui, malgré des gaffes qui auraient pu être fatales, lui amena presque 20 millions de voix. Le vainqueur fut Bill Clinton, ce qui n'était pas l'objectif des électeurs de Perot.
Si Bloomberg y va, qui en fera les frais ? Pour l'heure, le face-à-face probable opposera Hillary Clinton, choisie par les Démocrates, à Rudy Giuliani, désigné par les Républicains. Avec Bloomberg, cela ferait trois New-Yorkais en lice pour la présidence. Giuliani n'a pas d'expérience nationale : son auréole fut acquise à la mairie de New York dans la foulée du 11 septembre 2001. Sur ce terrain, Bloomberg lui dame le pion. Hillary Clinton, en revanche, occupe le devant de la scène depuis l'élection de son mari en 1992. Compétente, méthodique, soutenue par une équipe expérimentée, elle déçoit cependant l'aile militante du parti qui lui préfère le jeune Barak Obama. Un candidat indépendant pourrait donc mordre sur cet électorat.
L'électeur de 2008 aura-t-il des raisons de voter pour l'un des candidats ou se décidera-t-il contre les institutions bloquées ? Le pragmatique Michael Bloomberg ne partira pas dans une aventure sans issue, comme le candidat vert Ralph Nader, dont les trois millions de voix firent défaut au démocrate Al Gore en 2000.
Enfin - et c'est une différence avec la France, dans un système politique où les lois du marché sont dominantes -, le poids d'un multimilliardaire ne peut être ignoré.
(*) Professeur de philosophie à Stony Brook University, l'université de New York. Auteur de La démocratie à l'épreuve (Buchet-Chastel).
"Article 1/1"
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