samedi 20 juin 2009

La tolérance, l'espace public et les signes de ralliement



La tolérance religieuse et ses limites
Dans un plaidoyer vigoureux en faveur de la liberté de pensée, John Locke pose les fondements d’une théorie de la séparation radicale de l’Etat et de l’Eglise. L’autorité politique ne peut ni ne doit forcer les consciences. En revanche, il lui appartient de préserver les intérêts de l’ensemble de ses sujets. Par conséquent, les individus ne peuvent être sanctionnés pour la manifestation de leurs convictions religieuses aussi longtemps que celles-ci ne constitue aucunement une menace pour l’ordre public.

"Le port d’une chape ou d’un surplis ne peut pas plus mettre en danger ou menacer la paix de l’Etat que le port d’un habit ou d’un manteau sur la place du marché ; le baptême des adultes ne détermine pas plus de tempête dans l’Etat ou sur la rivière que le simple fait que je prenne un bain .[…]
Prier Dieu dans telle ou telle attitude ne rend en effet pas les hommes factieux ou ennemis les uns des autres ; il ne faut donc pas traiter cela d’une autre manière que le port d’un chapeau ou d’un turban ; et pourtant, dans un cas comme dans l’autre, il peut s’agir d’un signe de ralliement susceptible de donner aux hommes l’occasion de se compter, de connaître leurs forces, de s’encourager les uns les autres et de s’unir promptement en toute circonstance. En sorte que, si on exerce sur eux une contrainte, ce n’est pas parce qu’ils ont telle ou telle opinion sur la manière dont il convient de pratiquer le culte divin, mais parce qu’il est dangereux qu’un grand nombre d’hommes manifestent ainsi leur singularité quelle que soit par ailleurs leur opinion. Il en irait de même pour toute mode vestimentaire par laquelle on tenterait de se distinguer du magistrat (1 et de ceux qui le soutiennent ; lorsqu’elle se répand et devient un signe de ralliement pour un grand nombre de gens qui, par là, nouent d’étroites relations de correspondance et d’amitié les uns avec les autres, le magistrat ne pourrait-il pas en prendre ombrage, et ne pourrait-il pas user de punitions pour interdire cette mode, non parce qu’elle serait illégitime, mais à raison des dangers dont elle pourrait être la cause ? Ainsi un habit laïc peut avoir le même effet qu’un capuchon de moine ou que toute autre pratique religieuse".
John Locke, Essai sur la tolérance (1667), trad. Jean Le Clerc, Ed. Garnier Flammarion, 1992, pp 110 et 121.
NOTE 1 : Le magistrat est ici le représentant et le symbole de l’autorité politique, laquelle a pour mission de préserver les intérêts de tous ceux qui sont soumis à sa juridiction.

8 commentaires:

Rose a dit…

Hum, je suis complètement hors sujet mais bon, tant pis, je me lance : avez-vous lu "Les philosophes sur le divan" de Charles Pépin, et si oui, qu'en pensez-vous ?

Lhansen-Love a dit…

Non je ne l'ai pas lu, mais j'ai lu ou parcouru les livres de Pépin. C'est agréable à lire.

dimitri a dit…

Tant qu'à faire, puisqu'un commentaire est déjà hors-sujet et que cette question me turlupine depuis quelques temps, autant la poster ici : savez vous s'il est possible de suivre des cours de philosophie quand on est inscrit en Sciences-politiques ? Pas forcément valider des crédits, mais, même si ca peut vous paraître un peu stupide comme question, aller à quelques cours de philo de temps en temps ? D'avance merci !

Lhansen-Love a dit…

Etes-vous à IEP? Sinon posez la question sur mon blog IEP.
Quand j'enseignais à IEP Paris, la philo était obligatoire en 3 ièmes années. Je crois que c'est toujours le cas. Cela s'appelle "Grands enjeux du monde politique et social"

Dimitri a dit…

J'ai oublié de préciser que je ne suis pas à l'IEP, mais que je serai à l'université (Lausanne ou Lyon).

Jull0703 a dit…

Bonjour,

Je suis votre blog depuis quelques temps maintenant et tenais à vous remercier pour la qualité de son contenu et pour sa fréquence de mise à jour!
D'autre part, pourrais-je avoir votre avis de philosophe sur ceci: http://www.relancedurable.fr/

D'avance merci!

Lhansen-Love a dit…

oui Julio, je vais regarder...

Lhansen-Love a dit…

Pour relance durable: oui, certes.
En clair cela signifie : moins d'impôts, plus de travail...
C'est le contraire très exactement de ce que ne cesse de préconiser le PS (plus d'impôts, plus de dépense publique pour réduire les inégalités).
Sarkozy vient de faire un choix de gauche en lançant un emprunt, non?