mardi 23 décembre 2008

Fiction et vérité


Décidemment très à la mode "mon" sujet (Une fiction peut-elle être vraie?).

Pour Antoine de Baecque, l'histoire et le cinéma sont deux types de formalisation (par le récit, ou par les formes esthétiques) équivalentes et parallèles du matériau brut de la réalité historique. Autant dire que la fiction -la soi-disant "fiction" - est un mode d'approche du réel tout aussi nécessaire, tout aussi légitime , et tout aussi "vrai" que celui du récit historique. L'un et l'autre s'étayent et interfèrent, comme il le montre à propos du cas si troublant de M. Verdoux, de Chaplin.

Bien sûr Le dictateur est une fiction vraie (qui révèle et annonce l'avenir). Mais M. Verdoux aussi! M. Verdoux est l'histoire d'un criminel en série qui fait donc à une petite échelle ce que le nazisme a fait avec systématicité... Mais M. Verdoux, c'est aussi le congé donné à Charlot, car le juif errant naïf et pathétique cesse la place au tueur cynique, plus en phase avec le siècle...

Charlie Chaplin incarne à lui tout seul plusieurs types de relation de la fiction (vraie !) avec le réel. Les grands films constituent autant de témoignages précieux, indispensables, mais troublants et terriblement ambigus.

Etrange figure du double dans Le dictateur, côté trop humain de M. Verdoux, qui est "contraint de tuer " pour nourrir sa famille...

La fiction ne vise pas à restituer le réel, en tout cas pas en l'embaumant d'une manière univoque. Elle multiplie les points de vue, sans chercher à gommer la complexité, la laideur, la violence, l'inquiétante étrangeté..

La fiction -en l'occurence le cinéma -est le contrepoint de l'histoire, son indispensable complément (la réciproque est vraie).

Je citerai aussi La nuit du chasseur (sur le conformisme), La règle du jeu (sur l'irresponsabilité), Van Gogh (sur la solitude du créateur et l'incompréhension qu'il rencontre), Orange mécanique (sur la montée de la violence gratuite et l'impossiblité d'y répondre) etc...

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Et aussi: le possible est-il moins vrai que l'actuel? Lorsqu'une fiction montre une situation possible, voire plausible, cette situation est pour moi reelle. C'est tres clair en philosophie: on a beau faire comme si de rien n'etait, lorsque des penseurs ont pense quelque chose, c'est definitif, cela existe, meme si ca doit etre redecouvert des siecles plus tard. Une situation romanesque possible est donc vraie. D'ou tous les ennuis qu'ont les ecrivains a qui l'on demande toujours s'ils ont vecu telle ou telle situation. Peut-etre, et peut-etre pas, la n'est pas la question. S'ils l'ont ecrit, c'est que c'est vrai, quand bien meme ils ne l'auraient pas vecu, ou vecu qu'a moitie, ou devine seulement.

R.

Lhansen-Love a dit…

oui je suis d'accord, c'est écrit donc c'est vrai. Mais enfin , après,on peut affiner.Il y a des textes qui sont vite emportés par le vent...