« Ainsi l’amant ne désire-t-il pas posséder l’aimé comme on possède une chose. Il réclame un type spécial d’appropriation. Il veut posséder une liberté comme liberté.
Mais, d’autre part, il ne saurait se satisfaire de cette forme éminente de la liberté qu’est l’engagement libre et volontaire. Qui se contenterait d’un amour qui se donnerait comme pure fidélité à la foi jurée ? Qui donc accepterait de s’entendre dire : « je vous aime parce que je me suis engagé à vous aimer et que je ne veux pas me dédire ; je vous aime par fidélité à moi-même » ? Ainsi l’amant demande le serment et s’irrite du serment. Il veut être aimé par une liberté et réclame que cette liberté comme liberté ne soit plus libre. Il veut à la fois que la liberté de l’autre se détermine elle-même à devenir amour – et cela non point seulement au commencement de l’aventure mais à chaque instant- et à la fois que cette liberté soit captivée par elle-même, qu’elle se retourne sur elle-même, comme dans la folie, comme dans le rêve, pour vouloir sa captivité. Et cette captivité doit être démission libre et enchaînée à la fois entre nos mains ».Sartre, L’être et le néant (1943), éd. Gallimard, coll. « Tel », 1976
Mais, d’autre part, il ne saurait se satisfaire de cette forme éminente de la liberté qu’est l’engagement libre et volontaire. Qui se contenterait d’un amour qui se donnerait comme pure fidélité à la foi jurée ? Qui donc accepterait de s’entendre dire : « je vous aime parce que je me suis engagé à vous aimer et que je ne veux pas me dédire ; je vous aime par fidélité à moi-même » ? Ainsi l’amant demande le serment et s’irrite du serment. Il veut être aimé par une liberté et réclame que cette liberté comme liberté ne soit plus libre. Il veut à la fois que la liberté de l’autre se détermine elle-même à devenir amour – et cela non point seulement au commencement de l’aventure mais à chaque instant- et à la fois que cette liberté soit captivée par elle-même, qu’elle se retourne sur elle-même, comme dans la folie, comme dans le rêve, pour vouloir sa captivité. Et cette captivité doit être démission libre et enchaînée à la fois entre nos mains ».Sartre, L’être et le néant (1943), éd. Gallimard, coll. « Tel », 1976
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7 commentaires:
Ah ! Ces mauvais philosophes, qui partent de prémisses sans les visiter ! Qui bâtissent d’un si beau Français, si bien écrit, des châteaux sis sur de l’inadéquat. Mais qui dans la tradition d’avant le capitalisme parle d’amour-possession ? Même pas Denis de Rougemont. L’amour, c’est un équilibre affectif ou une passion, mais une possession, allons donc !!!
defitexte.over-blog.fr
L'avantage de mots comme l'amour, ou comme la mort, c'est qu'ils sont indéfinissables. Il n'y a rien d'identifiable sous le mot mort (on voit des gens qui cessent de bouger, de respirer, mais ce n'est pas LA mort, c'est "on meurt" ou "mourir-vivre"), pas plus sous le mot amour (il en est de tant de sortes). Cependant, rien n'est plus digne de méditation puisque nous voulons éprouver une gamme de sentiments la plus riche possible, et puisque mourir est ce qui nous arrive à chaque minute.
Ce sont nos deux seuls fragments d'infini après la chute du sacré et de la transcendance.
La critique de Sartre, sous ce rapport, me semble donc assez banale, quoique pédante comme le dit le commentateur du dessus, et somme toute de l'ordre du lieu commun. Même Leonardo di Caprio est capable d'entonner ce refrain. D'ailleurs il le fait dans un film qui sort ces temsp-ci.
R.
Oui , j'ai vu les Noces rebelles, c'est ue bonne illustration de la position de Sartre
ah ah ah ...On reconnaît bien le littéraire! Ce n'est pas parce que le mot "amour" comporte de nombreux sens qu'il est indéfinissable!
idem pour la mort. La mort est certes difficile à penser mais elle est facile à définir..
(Il existe des définitions scientifiques de la mort)
Sur l'amour, il y a des textes innombrables, qui partent de définitions, comme chez Kant.
Bref: "ce n'est pas parce que la réalité est complexe que nos concepts doivent être confus " Max Weber
Non "on ne meurt pas à toute minute"; le propre de la mort, comme du temps, est l'irréversibilité...
L'amour: un mot qui veut tout et rien dire. Quel rapport entre agapè et éros? Aucun. Pourtant on parle d'amour du prochain et d'amour libre, qui n'ont rien à voir ensemble. Et dans une même catégorie, disons celle d'éros, il y a bien des façons de le vivre - pornographie bas de gamme, libertinage érudit, mystique de la sexualité...
La mort: lorsque nous sommes là la mort n'y est pas, et lorsque nous ne sommes plus là, "elle y est" (quoique cet énoncé n'ait pas de sens - voyez Wittgenstein). Les définitions scientifiques ne sont pas celles de LA mort (introuvable) mais du "tu es mort, ton corps ne bouge plus, tu es passé par tel processus de nécrose - respiration stertoreuse, vidange intestinale etc - voyez Jacques Ruffier". La mort pour moi, comme vérité, est impensable (voyez à présent Lacan), sauf à penser que c'est la vie même, processus de création-destruction incessant: ma vie est la mort de milliards de cellules par jour, ma mort sera la vie de milliards d'autres... La mort est une maladie qui s'attrape à la naissance.
Pourquoi votre ah ah ah moqueur? Nietzsche, Cioran, Chestov, Schopenhauer, tous les saints et les mystiques, qui ont pensé à partir d'eux-mêmes, de leur corps et de leurs affects, sont-ils plus risibles que vos philosophes à systèmes?
Peut-être que vous avez raison. Il y a les guignols, les bouffons, les pauvres littéraires d'esprit, et les gens responsables, les Philosophes majuscules et systématiques que vous défendez.
Peut-être ne pouvons-nous pas, en vérité, échanger réellement quoi que ce soit.
Peu importe. J'aime bien quand même votre blog.
Bonsoir,
R
mais non mais non!Il n'y a pas d'un côté les philosophes "à système" de l'autre les ... guignols(???)
Pour l'amour , la distinction la plus simple est celle des cartésiens, de l'amour-passion opposé à l'amour-action. L'idée (de Descartes), c'est que l'on peut convertir l'un en l'autre... Donc je ne dirai pas qu'il n'y a "rien en commun entre eros et agapè".. Lorsque Kant dit que l'amour, c'est "vouloir former communauté avec l'autre" cela vaut pour toutes les sortes d'amour, du plus exclusif au plus l'altruiste...
Donc je crois qui'l n'est jamais impossible de définir une notion. Mais il est vrai que je ne suis pas très mystique, à part cela.
Je vais publier un ou deux textes sur l'amour...
Un dernier commentaire sur l'amour: "vouloir former une communauté avec l'autre" ne me semble pas du tout s'appliquer à l'éros, sinon dans le discours, je crois mièvre, de la "fusion" entre deux êtres. D'abord parce que éros tend à faire disparaître l'autre en tant que visage (lévinasien, si vous voulez) pour faire surgir le corps aveugle mais ému d'organes. Eros est impersonnel, en sa puissance première. Plus il est personnel, moins il est puissant. Après que le dieu soit passé, il y aura de nouveau de la personne, un visage, la reconnaissance qu'on a partagé quelque chose. Mais ce n'est plus dans l'érotique même.
Ce n'est pas tant qu'on ne puisse définir, l'amour, si l'on y tient, mais qu'aucune définition ne l'épuise. D'ailleurs, cela me semble valable pour tout. Aucune définition n'épuise jamais rien. Surtout pas le vivant. Définir serait trouver de l'identité quelque part. Et l'identité n'est que la peau morte du vivant. Celle qu'il faut sans cesse laisser derrière nous pour aller vers une autre que l'on abandonnera encore. Malheureusement, beaucoup ont élu domicile dans leur peau morte. Ainsi, ils ne vivent plus vraiment mais meurent leur vie.
Enfin,
Bon dimanche,
R.
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