dimanche 27 mai 2007

Aux portes de l'âme


"La présence de la vie intérieure, totale et profonde, ressentie plutôt que traduite en idées intelligibles, baignant dans l'indéterminé, éveille l'émotion et la rêverie, son prolongement ; cette présence est l'essentiel de La Joconde ; elle allait, par les Vénitiens et en premier lieu par Girodyne, ouvrir à la peinture un champ d'expression encore inconnu. La peinture désormais ne sera plus apte seulement à reproduire ce que voient les yeux et à traduire ce que conçoit la pensée, mais aussi à communiquer ce que nous appelons l'âme, mot immense et vague, qui englobe les puissances spirituelles encore indéterminées et pourtant les plus personnelles d'un être, son essence la plus intime. Ce que l'homme ne peut expliquer de lui-même, par des concepts clairs, ce que parfois même il en ignore, ce qu'il pressent sans pouvoir le définir, ce à quoi il aspire sans encore le connaître, en un mot la poésie d'un être, et ce qu'il perçoit de la poésie du monde, allaient pouvoir être transmis aux autres par l'artiste.
Parce que, un jour, un cerveau profond avait su dresser La Joconde comme l'emblème même de l'indicible".
RENÉ HUYGHE
La Joconde, Office du livre, Fribourg, 1974

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