samedi 12 mai 2007

Pourquoi le PS a échoué par Jacques Julliard


LA CHRONIQUE DE JACQUES JULLIARD
Feu sur le quartier général
NOUVELOBS.COM

Ségolène Royal a sauvé la gauche du désastre mais l'archaïsme des états-majors du Parti socialiste a été le plus fort
ENCORE BATTUE ! Depuis les débuts de la Vème République (1958), soit presque un demi-siècle, la Gauche n'aura porté à la présidence qu'un seul de ses champions, François Mitterrand, contre cinq à la droite: De Gaulle, Pompidou, Giscard, Chirac, Sarkozy. A la fin du mandat de ce dernier, en 2012, elle n'aura occupé l'Elysée que quatorze ans sur cinquante-quatre. Pourquoi ? Parce qu'elle est minoritaire, répondrait M. de La Palice. Mais pourquoi est-elle minoritaire ?
- Parce qu'il y a un écart béant entre les positions de ses chefs et les aspirations de son électorat.
- Parce que la gauche est trop à gauche pour s'élargir vers le centre, seul lieu où elle pourrait gagner des renforts. En dépit de François Bayrou, le Centre vient de refluer vers la droite. En dépit de Ségolène Royal, l'archaïsme de ses positions de base a rebuté les centristes. - Parce que le PS est mené-par de grands bourgeois humanistes et humanitaires qui tendent la main aux exclus par-dessus leur électorat populaire d'ouvriers, d'employés, de fonctionnaires et de petits bourgeois. Le Lumpen plutôt que les prolos !
- Parce que le PS est devenu, pour ces petits bourgeois, synonyme d'alourdissement de la fiscalité et, pour les travailleurs, de stagnation des salaires à cause des sacrées 35 heures.
- Parce que le programme du PS, élaboré par les plus gauchistes du Parti avec l'aide d'économistes et de travailleurs sociaux moralistes, sacrifie systématiquement la production des richesses à leur répartition. Ce mélange de christianisme social et de gauchisme altermondialiste constitue un excellent programme d'opposition mais il ne parviendra jamais à rassembler la majorité des électeurs. Il est fait pour un régime de despotisme éclairé, non de démocratie d'opinion.
Regardons les choses en face. Depuis le début de sa campagne, il a fallu à Ségolène Royal, pour gagner un minimum de crédibilité, ruser avec les positions de son parti, les contourner, parfois les contredire, le plus souvent les édulcorer. Sur la sécurité, les 35 heures, la carte scolaire, les salaires, la valeur travail, le hiatus entre la princesse du peuple et les cardinaux roses a été patent. Ségoléne ne devait sa désignation qu'à l'appoint des adhérents à 20 Euros qui représentaient une révolte contre la ligne des apparatchiks. Ce que l'on a appelé le flou de ses positions n'était que l'effet des contradictions entre le programme de son parti et les aspirations de ses électeurs. Ce tiraillement permanent l'a empêchée de développer un programme cohérent de social-démocratie à la française.
Depuis 2005, les grandes intelligences du PS n'ont cessé de développer des analyses stupides. Interprétant à tort le non au référendum comme une poussée de l'extrême gauche, alors que ce n'était qu'une bouffée de protectionnisme et de nationalisme, une véritable surenchère tint lieu d'organisation du débat dans le parti. On vit Fabius courir derrière Bové, DSK derrière Fabius, et Hollande derrière DSK, dans une course à la radicalité qui comprenait la généralisation des 35 heures, la hausse des impôts, la re-nationalisation provisoire des grandes entreprises, la régularisation de tous les sans-papiers, et j'en passe. On donna l'hégémonie intellectuelle sur la gauche à un faux paysan à moustaches qui, à chaque fois, remettait une thune dans le bastringue. Tout cela est bien mou, bien insuffisant, clamait-il. L'Attila des OGM vient de se retrouver avec 1,32% des voix parce que les concierges de l'immeuble ont plus de bon sens que les professeurs au Collège de France, mais le mal est fait.
Et maintenant, quel avenir pour Ségolène Royal ? On ne la remerciera jamais assez d'avoir évité à la gauche l'humiliation d'une deuxième élimination au premier tour de la présidentielle. Elle a eu le courage d'interrompre une course suicidaire. Elle s'est imposée comme l'avenir du parti mais elle y est encore regardée comme une intruse. Elle n'y dispose pas de courant et devra donc, pour y exister, s'entendre... avec François Hollande. Qui, de ce couple étonnant ou de Dominique Strauss Kahn, conduira la véritable modernisation du parti, dont le besoin est devenu criant ? Toutes ces questions se poseront après les législatives, car il s'agit d'abord d'y faire bonne figure et même, pourquoi pas, de les gagner. Mais il ne sera que temps, ensuite, pour le Parti socialiste de s'engager dans la voie ouverte par sa candidate. Sinon, si rien ne bouge, tout sera en place pour la prochaine déroute programmée pour 2012. Jacques Julliard 11 mai 2012, Le Nouvel Observateur.

Aucun commentaire: