"Pourquoi j'ai trahi"
"Finalement, j'ai voté Sarkozy. Comme tout le monde. Après tout, je ne suis pas plus con que Doc Gynéco...
Non, le leader de l'UMP et désormais président de la République ne m'a pas particulièrement convaincu lors de son débat face à Ségolène Royal. Quant à Mai 68,
j'en ai plutôt gardé un bon souvenir: j'avais neuf ans et j'étais très content de rater l'école. D'ailleurs, Nicolas Sarkozy, qui en avait treize et était un piètre élève, ne devait pas être spécialement malheureux non plus... Bref, jusqu'au dernier moment, j'étais bien décidé à voter à gauche.
Seulement voilà, au moment de mettre mon bulletin dans l'enveloppe, j'ai fait comme tous les néo-sarkozystes récents, Séguéla, Besson, Allègre: j'ai pensé à ma gueule. J'explique.
Dès cette chronique achevée, je boucle mes valises et je pars en vacances pour deux semaines. Deux semaines, avec promesse de temps radieux et deux ponts. C'est-à-dire des kilomètres de bouchons sur les routes, des hôtels bondés, des restaurants où l'on a un quart d'heure montre en main pour gober une moule-frites, parce-que-il-y-a-des-clients-quiattendent-la-table-monsieur, et des sentiers de randonnée surpeuplés. Autrement dit, te cauchemar.
Alors, dans mon isoloir, parmi toutes les promesses électorales de Sarkozy, une m'est revenue à l'esprit: il s'est engagé à remettre la France au travail. Or, une France au travail quand on part en vacances, ça n'a pas de prix.
Finis, les embouteillages, les chambres qu'il faut réserver six mois à t'avance, les restaurateurs désagréables. On fera Paris-Cassis en cinq heures, il nous suffira de claquer des doigts pour obtenir sur-le-champ une suite à prix casse avec des chocolats sur l'oreiller, on n'aura que l'embarras du choix pour la bouillabaisse et le patron nous offrira le digestif. Et avec ta retraite à soixantequinze ans, finis, tes « seniors » en short à qui l'on est obligé de dire bonjour quand on les croise sur tes chemins des calanques.
Si Sarkozy applique son programme social - et il n'y a aucune raison pour qu'il ne le fasse pas -, ceux qui auront du boulot, s'ils veulent te garder, feront des heures supplémentaires
défiscalisées et n'auront plus le temps de se vautrer dans l'oisiveté mère de tous les vices et fille de la chienlit soixante-huitarde. Quant aux autres, les sans-emploi, eux aussi oublieront vite tes grandes transhumances. Car l'informaticien au chômage qui aura refusé plus de deux emplois de manutentionnaire chez Apple n'aura plus d'indemnités sur lesquelles économiser pour se payer une semaine de camping.
Dans La France qui travaillera plus pour gagner te droit de recommencer te lendemain, les quelques rares élus qui, eux, gagneront vraiment plus sans rien foutre iront en vacances aux Seychelles, et nous pourrons enfin nous reposer et décompresser tranquille, dans notre beau pays débarrassé de la plaie du touriste en RTT. Il suffira d'éviter la Dordogne, pour les Anglais, et la Corse et la Côte d'Azur, pour les artistes UMP.
Bien sûr, il y a le revers de la médaille. En 2005, les Français ont claqué 70,265 milliards d'euros dans tes 196430 entreprises touristiques du pays. Et le secteur de l'hôtellerie, des cafés et de la restauration est le troisième secteur de création d'emplois. C'est te seul petit détail auquel l'expert en économie Sarkozy n'a pas pensé: ça va en faire, des gens au chômage, tout ce travail.
Bah, on ne peut pas être bon partout..."
Gérard Biard Charlie Hebdo 9 mai 2007
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