Pourquoi les américains se montrent si inquiets au milieu de leur bien-être
« On s'étonne d'abord en contemplant cette agitation singulière que font paraître tant d'hommes heureux, au sein même de leur abondance? Ce spectacle est pourtant aussi vieux que le monde; ce qui est nouveau c'est de voir tout un peuple qui le donne.Le goût des jouissances matérielles doit être considéré comme la source première de cette inquiétude secrète qui se révèle dans les actions des américains, et de cette inconstance dont ils donnent toujours l'exemple. Celui qui a enfermé son coeur dans la seule recherche des biens de ce monde est toujours préssé, car il n'a qu'un temps limité pour les trouver, s'en empare, et en jouir. Le souvenir de la briéveté de la vie l'iguillonne sans cesse. Indépendamment des biens qu'il possède, il en imagine à chaque instant mille autres que la mort l'empêchera de goûter s'il ne se hâte. Cette pensée le remplit de trouble, de craintes et de regrets, et maintient son âme dans une sorte de trépidation incessante qui le porte à changer à tout moment de desseins et de lieux.Si au goût du bien-être matériel vient se joindre un état social dans lequel ni la loi ni la coutume ne retiennent plus personne à sa place, ceci est une grande excitation de plus pour cette inquiétude d'esprit : on verra alors les hommes changer continuellement de route, de peur de manquer le plus court chemin qui doit les conduire au bonheur »
Alexis de Tocqueville
Inquiétude du bien être in De la démocratie en Amérique Tome II, deuxième partie, chapitre 13
( « Nous errons dans les temps qui ne sont point les nôtres, et ne pensons point au seul qui nous appartient » Pascal B 147)
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