mercredi 29 avril 2009

La nuit porte conseil

(La corde de Hitchcock)



"Devenu le mari d'une exécrable rosse


Il la tua dès le réveil


Au lendemain de son absurde noce


La nuit porte conseil"


Alphonse Allais


Vous lirez cet article sur Slate.fr Nettoyons aussi la littérature de sa violence


(toute la question maintenant est le rap (ou l'oeuvre de Oreslan, cf "Sale pute") est-ce de la littérature?

6 commentaires:

Anonyme a dit…

Bonjour,
je ne peux être d'accord avec l'article mis en lien qui assimile les paroles violentes d'oeuvres littéraires à des paroles violentes de chansons populaires sincères.

Il fait croire que lutter contre le rap violent devrait être appliqué aux textes littéraires violents. Or non:

Car les chansons populaires violentes en question font partie d'une esthétique de la sincérité qui veut que nous prenions leurs textes à la lettre. Les oeuvres littéraires sont des Mensonges Supérieurs. Ainsi Sade ne dit pas "faites comme dans mes livres" mais: "voilà ce qui arrive si on fait tomber tous les interdits". En quoi il est rejoint par Houellebecque, qui ne dit pas: "On vit dans un monde violent et dépressif" mais: "la logique de la jouissance inentravée mène au meurtre". Ces deux auteurs peuvent à bon droit être tenus pour les adversaires de la violence décrite (Sade ayant même sauvé de la corde certains de ses contempteurs lorsqu'il en a eu l'occasion) tandis que nos rappeurs peuvent à bon droit être tenus pour des apologistes du "faut tout faire péter".

R

Lhansen-Love a dit…

oui oui , bien sûr!
Pourriez-vous expliquer ce qu'est un "mensonge supérieur"?

Anonyme a dit…

L'art ment: le classicisme simplifie les formes, géométrise l'espace peint ou littéraire, afin d'épouser une métaphysique du Beau héritée du Néo-Platonisme. L'expressionnisme exagère les poses, multiplie les outrances, fait déborder les couleurs, violente les formes établies - trop bien établies - afin d'en faire remonter d'autres. Le naturalisme n'épouse pas ladite nature parce qu'il choisit toujours ses sujets, ses cadres, ses mots, qui sont toujours des signes et en tant que tels sont séparés de leurs "choses"... L'art est masque, métaphore, métamorphose: mensonge.

Mais il le sait et il l'assume. Il est en cela supérieur aux illusions réalistes. Le fameux Réel, dont chacun s'imagine avoir la prérogative, n'est nulle part plus transparent que dans l'art, justement.

R

Lhansen-Love a dit…

merci! pourtant l'illusion réaliste, c'est aussi un genre qui a ses lettres de noblesse!
Vous êtes d'accord avec O. Wilde (Le déclin du mensonge?)

panayotou a dit…

« Le geste homérique, comme la geste chevaleresque, sont tout entières inscrites dans cet écart entre la bestialité inavouable du réel, et la nécessité d'en faire discours (…). L'épopée guerrière ne cesse de valoriser ce que la loi interdit : le meurtre, la violence, la souffrance délibérément infligée. Et pour cela, il les esthétise dans une poétique, qui légitime la violence au nom de l'histoire. Le même mouvement qui construit le politique sur la brutalité, le fonde dans le raffinement d'une parole poétique qui métamorphose instantanément la brutalité en noblesse et double le pouvoir réel d'une grandeur symbolique. Et tout processus de civilisation s'origine dans cette tête de Janus sanguinaire et humanisante. Dans cet écart d'une parole qui esthétise la violence.
Cet écart intentionnel entre le réel et la parole, il porte un nom : c'est le mensonge. Et c'est ce mensonge, constitutif du lien civilisationnel, sur la réalité barbare des actes et des comportements, que Don Quichotte n'a pas intégré. C'est de ce mensonge, au contraire, que Cervantés fait le cœur de cible de son ouvrage. A chaque fois qu'il ridiculise Don Quichotte, Cervantés ne fait ainsi que mettre en évidence le manque de hauteur de notre position de lecteurs : nous sommes ceux-là même pour qui l'épopée ne peut pas faire sens, nous vivons en-deçà de cette ligne de flottaison qui permet une respiration plus ample ; et c'est précisément la raison pour laquelle nous pouvons rire des mésaventures de Don Quichotte. Nous avons en commun ce regard narquois du renoncement à la grandeur, et c'est par ce regard que Cervantès nous tient. Le "nous" auquel Cervantès s'adresse, ce "nous" qui rit de bon cœur aux défaites de Don Quichotte, est celui qui a si bien intégré les effets de masque du langage, que la brutalité du réel ne lui paraît même plus problématique. Ce "nous", pétri de bon sens populaire, peut en effet se dire, sans état d'âme, que la brutalité du monde va de soi, et qu'il faut vraiment être fou pour chercher dans les actes une quelconque relation à l'esthétique de la parole. Pour tenter de réduire l'écart entre être et devoir-être. Pour mesurer le fait à l'aune du droit. Pour prendre le monde au pied de la lettre. Nous sommes supposés avoir intégré le mensonge assumé comme une condition définitive de la parole, et c'est cette intégration même qui fait communauté entre nous : nous sommes liés non par la parole, mais par la conscience des falsifications qu'elle induit, et de leur nécessité.
Don Quichotte refuse de toute son énergie cette conscience "adulte" des falsifications. Il refuse cette acceptation débonnaire et un peu veule de la vie comme elle va. Il refuse ce qui fera le succès même du roman de Cervantès : une communauté du rire à l'encontre d'une volonté désespérée d'adéquation entre la parole et les actes. Et c'est cette volonté désespérée d'adéquation, ce refus d'admettre l'écart, qui le rend inopérant. » Le pied de la lettre, Christiane Vollaire (Revue Chimères N°68)

Pour enrichir le débat...

Lhansen-Love a dit…

merci panayotou!