mercredi 16 janvier 2008

La liberté sans la politique?

Lire la critique de Laure (qui est favorable!)
Toutefois, pour compléter :
Pour H. Arendt la liberté sans la politique est une illusion..
(je pense en effet que c'est un rêve trompeur, et ceci me rappelle le film de Luc Besson , "Le grand bleu", qui évoquait aussi ce fantasme du rejet de la civilisation pour rejoindre le monde vivant, le monde du silence...)

Voici le texte de H. Arendt:
"Manifestement, la liberté ne caractérise pas toute forme de rapports humains et toute espèce de communauté. Là où des hommes vivent ensemble mais ne forment pas un corps politique - par exemple, dans les sociétés tribales ou dans l'intimité du foyer - les facteurs réglant leurs actions et leur conduite ne sont pas la liberté, mais les nécessités de la vie et le souci de sa conservation. En outre, partout où le monde fait par l'homme ne devient pas scène pour l'action et la parole - par exemple dans les communautés gouvernées de manière despotique qui exilent leurs sujets dans l'étroitesse du foyer et empêchent ainsi la naissance d'une vie publique - la liberté n'a pas de réalité mondaine. Sans une vie publique politiquement garantie, il manque à la liberté l'espace mondain où faire son apparition. Certes, elle peut encore habiter le coeur des hommes comme désir, volonté, souhait ou aspiration ; mais le coeur humain, nous le savons tous, est un lieu très obscur, et tout ce qui se passe dans son obscurité ne peut être désigné comme un fait démontrable. La liberté comme fait démontrable et la politique coïncident et sont relatives l'une à l'autre comme deux côtés d'une même chose".

Qu'est-ce que la liberté in La crise de la culture p 193

5 commentaires:

Anonyme a dit…

Bonjour,
Je comprends mieux vos derniers messages sur Thoreau... Mais, il n'est pas resté à Walden très longtemps (2 ans) et une méchante tuberculose a mis trop tôt fin à sa vie.

J'ai lu le commentaire, je connais l'histoire, Krakauer... mais je n'ai pas encore eu le loisir de voir le film, je permets cependant une remarque, une réflexion (plutôt qu'un commentaire)

Qu'est-ce qui est réellement en jeu ici ?
Un refus de la société prométhéenne ? Dans ce cas la société politique est encore possible mais il faudra être platonicien (celui de la République). La politique devra être envisagée comme un moyen de contenir, de subjuguer, de retenir l'impérialisme du désir de posséder, de produire, de consommer.
Ou un refus de la société politique pour retrouver la nature. Attitude romantique s'il en est, mais pour le coup prométhéenne. L'homme sera au défit d'affronter la nature non pas pour s'y perdre mais pour s'y retrouver. C'est ainsi que je comprends Fitzcaraldo et Aguire mais également Jeremiah Johnson. Et il se trouve que Mc Candless s'y est perdu... à 30 km de la civilisation. Dumbar, le héros de Danse avec les loups s'y est retrouvé.

Je ne sais pas si on trouve l'authenticité de l'humanité dans la construction d'une cabane au fond des bois qui est surtout la marque d'un refus, d'un abandon, d'un désespoir.
En ce qui concerne l'aventure d'Into the Wild, la réalité semble moins romantique que la fiction. Il s'agit sans doute d'un problème plus psychologique que politique.
Par ailleurs Mc Candless (lecteur de Thoreau et Emerson) a milité au Parti Républicain, donc on est loin du hippie libertaire et gauchiste. Je ne connais pas bien les subtilités de la politique américaine, mais peut-être était-il intéressé par la composante réactionnaire, retour aux sources, idéal pionnier... Mais j'ai des doutes, parce que ce jeune homme ne voulait rien fonder, or un pionnier fonde.

En tout cas il faudrait faire la distinction entre le refus de la politique et le refus de la société technique - économique - consommatrice. C'est bien là le sens de la distinction qu'opère Hannah Arendt dans Human Condition (travail - action - oeuvre)
L'homme est un animal, mais pas un animal de la forêt, un animal politique.

Il me semble que Ruffin dans Globalia (qui est, entre autre, un hommage a Thoreau) essaie de prendre en charge cette distinction.

Lhansen-Love a dit…

Merci pour cette mise au point.. Mais il paraît difficile tout de même de fuir la société sans tourner le dos à la politique.
Difficile aussi de concevoir une politique anti-consommation, et anti-compromis, de façon générale...Une politique de la pureté?
Le refus de l'argent, par exemple, cela n'est tout simplement pas possible...
La politique c'est toujours le choix du moins pire, et non pas le choix de l'extrême...
Quantà Arendt , si elle peut comprendre le refus du travail-consommation, c'est au profit de l'agir ou del' "oeuvrer" mais pas au profit de la fuite hors du monde (réel). Pour elle il n'y a pas de monde humain sans communauté et sans dialogue..

Anonyme a dit…

Effectivement on ne peut pas fuir la société sans fuir la politique. Mais il y a deux causes distinctes (même si elles sont mêlées) à la robinsonnade : la cause politique (haine de la loi) et la cause économique et technique (hippisme radical).
L'une comme l'autre s'avèrent bien entendu des impasses parce qu'on ne peut pas se fuir soi-même et qu'on est à la fois politique et économique.
Par ailleurs si Hannah Arendt ne considère pas que le renoncement à l'économique soit une solution, elle n'en déplore pas moins le triomphe de l'animal laborans. Elle ne pouvait pas ne pas se souvenir des leçons d'Heiddeger.

Lhansen-Love a dit…

On est bien d'accord... impasse, oui c'est bien cela . J
Je pense aussi à cette histoire de ce dingue qui était allé vivre avec des ours, et que ces charmants compagnons ont fini par dévorer, avec sa fiancée en plus!
Grizzly man par Werner Herzog
Voir ma critique...
http://209.85.129.104/search?q=cache:YNsda3ehkFYJ:www.cinechronique.com/film.php%3Fid_film%3D1099+cinechronique+bonnecarr%C3%A8re+ours&hl=fr&ct=clnk&cd=1&gl=fr

Anonyme a dit…

Je ne connaissais pas GrizzlyMan alors qu'Herzog fait parti de mon panthéon personnel (enfin surtout quand il fait jouer ce cinglé de Kinski) - une exception pour le Kaspar - superbe et sans Kinski.
Je viens de lire votre papier sur GrizzlyMan (qui est savoureuse), effectivement le ton correspond bien à l'ambiance d'Into the Wild (que je viens d'aller voir).
Penn respecte bien le personnage et l'histoire. Il s'agit bien d'un drame familial (flashback, archive, soeur narratrice) et personnel (re-naissance, re-enfance, re-famille, re-adolescence, re-maturité, tentative d'adoption - donc re-généalogie, et enfin sagesse (sic)).
Pas ou peu de politique dans cette affaire-là. Une allusion à Bush, la douane, le FBI, les flics cowboys qui font respecter le droit de manière brutale, on ose demander ses papiers à ce jeune homme, on ose arrêter un brave type parce qu'il bricole des décodeurs pirates, le père ose dire à la fille qu'elle n'a pas le droit de conduire, on ose demander une autorisation pour descendre le Colorado.... C'est assez sommaire et puéril comme révolte.
La famille hippie est sympathique, le rassemblement sur "les dalles" a un côté manifestement BurningMann très en vogue aujourd'hui.
L'histoire est touchante, les images sont magnifiques, même si on les a déjà toutes déjà vues dans Géo, l'ensemble fonctionne. Je reste fasciné par le gigantisme intégrale des Etats-Unis qui restent toujours une sorte de nouveau monde ou de nouvelles frontières.
Cela parait sans doute extravagant mais j'associe volontiers les scènes de l'agonie à l'agonie de madame Bovary. A la fois dans la forme... et pourquoi pas sur le fond....
Au final un personnage plus proche de Jim Morisson que de Thoreau.