mardi 1 juillet 2008

La démocratie et les droits de l'homme



"La démocratie n'est pas une garantie absolue pour les droits humains" par Eric Poinzot dans le dernier bulletin de Amnesty International.
En voici un extrait:


[...] "Suffit-il d'organiser des élections libres et pluralistes pour aboutir à un gouvernement « de qualité » et réaliser les idéaux démocratiques? C'est l'une des limites de la politique étrangère américaine, quand elle se donne pour seul horizon la tenue d'élections.

Le théoricien américain Jack Donnelly pousse la réflexion encore plus loin, lorsqu'il étudie la relation « complexe et problématique » entre droits humains et démocratie. Il va jusqu'à affirmer qu' une certaine conception et une certaine pratique de la démocratie peuvent mettre en danger les droits humains. Si l'insistance sur la démocratie procédurale, élective, est justifiée (dans les faits, elle est plus facile à mettre en oeuvre), il n'en reste pas moins que celle-ci peut dégénérer en un formalisme creux (organiser des élections, sans réellement se soucier de ce qu'il en sortira). Et cette démocratie électorale n'est en rien une garantie absolue pour les droits humains : certains États non démocratiques respectent davantage les droits humains que certaines démocraties, et les démocraties présentent des bilans extrêmement contrastés en la matière. Et comment s'assurer que tout vainqueur d'une élection est forcément un démocrate convaincu? Par ailleurs, les droits humains, dans leur acception libérale et occidentale, valorisent l'individu face au collectif limitant ainsi la souveraineté populaire et l'autorité du gouvernement : dans une certaine mesure, ces droits sont fondamentalement antidémocratiques. Au nom d'idéaux supérieurs, ils posent les bornes qu'un pouvoir, même légitimement élu, ne saurait franchir: en fin de compte, ce sont les valeurs de libéralisme (culturel et pas uniquement économique) qui permettent, dans les pays occidentaux, de résoudre le conflit potentiel entre démocratie et droits humains, la démocratie libérale plaçant le pouvoir populaire à sa juste place, subordonnée aux droits humains. On peut même dire que si la démocratie libérale est l'alliée des droits humains, c'est bien grâce à cet adjectif, le lien avec la seule pratique électorale étant beaucoup plus ténu. Partant de ce constat, si l'on veut éviter que les droits humains suscitent chez certaines populations des réactions de méfiance,de les adosser à une idée, la démocratie, qui ne saurait être considérée à elle seule comme un horizon radieux et indépassable. En tout cas, si l'on voit dans la démocratie une condition de réalisation des droits humains, il serait bon de s'entendre au préalable sur le sens que l'on donne à cette démocratie et sur les valeurs que l'on souhaite porter à travers elle. Car ce sont bien les valeurs associées à une certaine idée de la démocratie, et pas simplement la mise en oeuvre de mécanismes électoraux, qui en font le meilleur des régimes".

Ammnesty International Bulletin Juin 2008

Eric Poinsot

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Ingrid Betancourt est libre!!