mardi 22 juillet 2008

Siné vs Val : choisir son camp




Pour moi, c'est fait .. (LHL=BHL)


Et vous?










(un sujet pour IEP: la liberté d'expression rencontre-t-elle des limites?)




7 commentaires:

Anonyme a dit…

Chère Laurence, quand vous posez l'équation LHL = BHL, vous me faites peur. Puis-je vous rappeler le texte de Deleuze sur les nouveaux philosophes ?

Ce texte de Gilles Deleuze a été publié comme Supplément au n°24, mai 1977, de la revue bimestrielle Minuit, et distribué gratuitement.

"- Que penses-tu des « nouveaux philosophes » ?

Rien. Je crois que leur pensée est nulle. Je vois deux raisons possibles à cette nullité. D'abord ils procèdent par gros concepts, aussi gros que des dents creuses, LA loi, LE pouvoir, LE maître, LE monde, LA rébellion, LA foi, etc. Ils peuvent faire ainsi des mélanges grotesques, des dualismes sommaires, la loi et le rebelle, le pouvoir et l'ange. En même temps, plus le contenu de pensée est faible, plus le penseur prend d'importance, plus le sujet d'énonciation se donne de l'importance par rapport aux énoncés vides (« moi, en tant que lucide et courageux, je vous dis..., moi, en tant que soldat du Christ..., moi, de la génération perdue..., nous, en tant que nous avons fait mai 68..., en tant que nous ne nous laissons plus prendre aux semblants... »). Avec ces deux procédés, ils cassent le travail. Car ça fait déjà un certain temps que, dans toutes sortes de domaines, les gens
travaillent pour éviter ces dangers-là. On essaie de former des concepts à articulation fine, ou très différenciée, pour échapper aux grosses notions dualistes. Et on essaie de dégager des fonctions créatrices qui ne passeraient plus par la fonction-auteur (en musique, en peinture, en audio-visuel, en cinéma, même en philosophie). Ce retour massif à un auteur ou à un sujet vide très vaniteux, et à des concepts sommaires stéréotypés, représente une force de réaction fâcheuse. C'est conforme à la réforme Haby : un sérieux allègement du « programme » de la philosophie.

- Dis-tu cela parce que B.-H. Lévy vous attaque violemment, Guattari et toi, dans son livre Barbarie à visage humain ?

Non, non, non. Il dit qu'il y a un lien profond entre L'Anti-Oedipe et «l'apologie du pourri sur fumier de décadence » (c'est comme cela qu'il parle), un lien profond entre L'Anti-Oedipe et les drogués. Au moins, ça fera rire les drogués. Il dit aussi que le Cerfi est raciste : là, c'est ignoble.
Il y a longtemps que je souhaitais parler des nouveaux philosophes, mais je ne voyais pas comment. Ils auraient dit tout de suite : voyez comme il est jaloux de notre succès. Eux, c'est leur métier d'attaquer, de répondre, de répondre aux réponses. Moi, je ne peux le faire qu'une fois. Je ne répondrai pas une autre fois. Ce qui a changé la situation pour moi, c'est le livre d'Aubral et de Delcourt, Contre la nouvelle philosophie. Aubral et Delcourt essaient vraiment d'analyser cette pensée, et ils arrivent à des résultats très comiques. Ils ont fait un beau livre tonique, ils ont été les premiers à protester. Ils ont même affronté les nouveaux philosophes à la télé, dans l'émission « Apostrophes ». Alors, pour parler comme l'ennemi, un Dieu m'a dit qu'il fallait que je suive Aubral et Delcourt, que j'aie ce courage lucide et pessimiste.

- Si c'est une pensée nulle, comment expliquer qu'elle semble avoir tant de succès, qu'elle s'étende et reçoive des ralliements comme celui de Sollers ?

Il y a plusieurs problèmes très différents. D'abord, en France on a longtemps vécu sur un certain mode littéraire des « écoles ». Et c'est déjà terrible, une école : il y a toujours un pape, des manifestes, des déclarations du type « je suis l'avant-garde », (les excommunications, des tribunaux, des retournements politiques, etc. En principe général, on a d'autant plus raison qu'on a passé sa vie à se tromper, puisqu'on peut toujours dire « je suis passé par là ». C'est pourquoi les staliniens sont les seuls à pouvoir donner des leçons d'antistalinisme. Mais enfin, quelle que soit la misère des écoles, on ne peut pas dire que les nouveaux philosophes soient une école. Ils ont une nouveauté réelle, ils ont introduit en France le marketing littéraire ou philosophique, au lieu de faire une école. Le marketing a ses principes particuliers :

1. il faut qu'on parle d'un livre et qu'on en fasse parler, plus que le livre lui-même ne parle ou n'a à dire. A la limite, il faut que la multitude des articles de journaux, d'interviews, de colloques, d'émissions radio ou télé remplacent le livre, qui pourrait très bien` ne pas exister du tout.
C'est pour cela que le travail auquel se donnent les nouveaux philosophes est moins au niveau des livres qu'ils font que des articles à obtenir, des journaux et émissions à occuper, des interviews à placer, d'un dossier à faire, d'un numéro de Playboy. Il y a là toute une activité qui, à cette échelle et à ce degré d'organisation, semblait exclue de la philosophie, ou exclure la philosophie.

2. Et puis, du point de vue d'un marketing, il faut que le même livre ou le même produit aient plusieurs versions, pour convenir à tout le monde une version pieuse, une athée, une heideggerienne, une gauchiste, une centriste, même une chiraquienne ou néo-fasciste, une « union de la gauche » nuancée, etc. D'où l'importance d'une distribution des rôles suivant les goûts. Il y a du Dr Mabuse dans Clavel, un Dr Mabuse évangélique, Jambet et Lardreau, c'est Spöri et Pesch, les deux aides à Mabuse (ils veulent « mettre la main au collet » de Nietzsche). Benoist, c'est le coursier, c'est Nestor. Lévy, c'est tantôt l'imprésario, tantôt la script-girl, tantôt le joyeux animateur, tantôt le dise-jockey. Jean Cau trouve tout ça rudement bien ; Fabre-Luce se fait disciple de Glucksmann ; on réédite Benda, pour les vertus du clerc. Quelle étrange constellation.

Sollers avait été le dernier en France à faire encore une école vieille manière, avec papisme, excommunications, tribunaux. Je suppose que, quand il a compris cette nouvelle entreprise, il s'est dit qu'ils avaient raison, qu'il fallait faire alliance, et que ce serait trop bête de manquer ça. Il arrive en retard, mais il a bien vu quelque chose. Car cette histoire de marketing dans le livre de philosophie, c'est réellement nouveau, c'est une idée, il « fallait » l'avoir. Que les nouveaux philosophes restaurent une fonction-auteur vide, et qu'ils procèdent avec des concepts creux, toute cette réaction n'empêche pas un profond modernisme, une analyse très adaptée du paysage et du marché. Du coup, je crois que certains d'entre nous peuvent même éprouver une curiosité bienveillante pour cette opération, d'un point de vue purement naturaliste ou entomologique. Moi, c'est différent, parce que mon point de vue est tératologique : c'est de l'horreur.

- Si c'est une question de marketing, comment expliques-tu qu'il ait fallu les attendre, et que ce soit maintenant que ça risque de réussir ?

Pour plusieurs raisons, qui nous dépassent et les dépassent eux-mêmes. André Scala a analysé récemment un certain renversement dans les rapports journalistes-écrivains, presse-livre. Le journalisme, en liaison avec la radio et la télé, a pris de plus en plus vivement conscience de sa possibilité de créer l'événement (les fuites contrôlées, Watergate, les sondages ?). Et de même qu'il avait moins besoin de se référer à des événements extérieurs, puisqu'il en créait une large part, il avait moins besoin aussi de se rapporter à des analyses extérieures au journalisme, ou à des personnages du type « intellectuel », « écrivain » : le journalisme découvrait en lui-même une pensée autonome et suffisante. C'est pourquoi, à la limite, un livre vaut moins que l'article de journal qu'on fait sur lui ou l'interview à laquelle il donne lieu. Les intellectuels et les écrivains, même les artistes, sont donc conviés à devenir journalistes s'ils veulent se conformer aux normes. C'est un nouveau type de pensée, la pensée-interview, la pensée-entretien, la pensée-minute. On imagine un livre qui porterait sur un article de journal, et non plus l'inverse."

Lhansen-Love a dit…

Merci cher anonyme...
En ce qui concerne l'équation, c'était un raccourci et un jeu de mot, rien de bien sérieux;
Merci pour cet ITV de Deleuze...mais je ne peux adhérer à des généralités sur "les" nouveaux philosophes. Parmi lesquels je vois Lardreau (paix à son âme) et Jambet, bien vivant car je le croise parfois dans l'ascenseur de mon lycée..
Bref, BHL est une personne et non pas tous les "nouveaux philosophes".
Et ces "nouveaux philosophes" ont sur bien des points eu raison contre les vieux soixante-huitards...
Y compris BHL (très juste parfois, notammnent sur la Bosnie)

Anonyme a dit…

Le problème avec les gens nuancés comme vous, c'est qu'ils ont toujours raison...Pfffffffff

Anonyme a dit…

Entrons dans la nuance, alors.
Vous aurez remarqué que Deleuze s'en prend à Lardreau ou Jambet ou à tel ou tel, non pas en tant que personne mais en tant qu'ils ont participé au "mouvement" des nouveaux philosophes. Si vous avez pris le temps de lire l'entretien, vous aurez aussi noté qu'il ne confond pas BHL avec tous les nouveaux philosophes mais pointe malicieusement le rôle de chacun dans cette affaire. Il reste qu'il y a une logique d'ensemble de type marketing, publicitaire dans cette entreprise et que chacun, semble-t-il, s'en est accommodé sans trop de scrupules.
Quant à moi, je peux sans trop de difficulté adhérer à ce que vous appelez des généralités sur les nouveaux philosophes dans la mesure même où Deleuze propose une lecture précise de ce qui sous ce nom prétend déterminer ce qu'est la philosophie et les "exigences" auxquelles elle doit répondre.
Votre critique des "vieux soixante huitards" qui auraient souvent eu tort contre les nouveaux philosophes m'étonne par son degré d'extrême généralité et simplification.
Enfin que BHL ait pu dire des choses justes sur tel ou tel sujet, pourquoi pas. Mais ce n'est pas précisément ce que je visais mais plutôt sa qualité de philosophe.
Finalement, et sans vouloir vous entraîner dans une mauvaise polémique, mais histoire de piquer un peu votre assurance, vous n'êtes pas si nuancée que cela, chère Laurence.

Lhansen-Love a dit…

Ce n'est pas moi qui dis que je suis nuancée..
Je ne le suis pas toujours, pas pour tout, ou même pas du tout!
Bref les condamnations sans appel de Deleuze m'exaspèrent.

BHL n'est pas un grand philosophe, et même pas un philosophe du tout.
Sur ce point, il n'y a aucune compétition avec Deleuze..
En revanche, pour s'en tenir à des généralités, les nouveaux philosophes n'ont en commun que leur anti-totalitarisme.
Lé dessus, je suis carrément de leur côté, et pas du tout du coté des soixante-huitartds gauchistes attardés. Voilà. Point de nuance!

Anonyme a dit…

Bravo !!! Descartes a inventé le doute méthodique, vous inventez la nuance épisodique !
Avec toute mon admiration.

Lhansen-Love a dit…

merci pour le rapprochement avec Descartes..
Notre débat pourrait être:
un philosophe doit-il toujours être nuancé? la nuance est-elle inhérente à la philosophie...
Cela dit, je ne me considère pas comme un (e) philosophe.
Je m'exprime ici évidemment en tant que tout-un-chacun... (jexprime souvent des opinions).
Un bloggueur et un philosophe, de toute façon, cela fait deux!
Donc : foin des nuances!