Eve et le serpent
« Le principe d'uniformité de la nature ne suffit en effet pas à étayer la conjecture du langage animal, chose du monde la mieux partagée. Un auteur, dont Bougeant prend le propos à son compte pour l'ériger en mythe fondateur, prétend qu' avant le péché de l'homme, les bêtes parlaient très distinctement entre elles et articulaient une langue que les hommes entendaient parfaitement, comme elles entendaient aussi le langage de l'homme . Il trouvait le fondement de cette conjecture "dans la conversation que le serpent eut avec Ève au paradis terrestre. Si dans ce temps-là, disait-il, les bêtes n'avaient pas eu d'autre que celui langage que celui qu'elles ont aujourd'hui, quel aurait dû être l'étonnement d'Eve d'entendre un serpent lier conversation avec elle et lui faire des raisonnements suivis [...]. Il fallait donc que le serpent et toutes les autres bêtes parlassent comme les hommes et que, si elles ne parlent plus aujourd'hui de même façon, ce soit un châtiment de Dieu pour avoir servi d'organe au diable et avoir contribué au péché de l'homme ". Pour expliquer cette punition collective - une espèce a péché et les paroles articulées de toutes autres en ont été interloquées (1 -, Bougeant ne manque pas de s'abriter sous autorités les plus diverses : Platon, Flavius Josèphe et
saint Basile ».
E. de Fontenay Le silence des bêtes p 322
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