mercredi 28 mai 2008

Figures de l'invisible (Kandinsky)






"C'est d'une manière mystérieuse, énigmatique, mystique, que l'oeuvre d'art naît « de l'artiste ». Détachée de lui, elle prend une vie autonome, devient une personnalité, un sujet indépendant, animé d'un souffle spirituel, qui mène également une vie matérielle réelle - un être. Ce n'est donc pas une apparition indifférente et née par hasard qui séjournerait, également indifférente, dans la vie spirituelle ; au contraire, comme tout être elle possède des forces actives et créatrices. Elle vit, agit et participe à la formation de l'atmosphère spirituelle [...]. C'est à ce point de vue intérieur qu'il faut se placer, et exclusivement à ce point de vue, pour répondre à la question de savoir si l'oeuvre est bonne ou mauvaise. Si elle est « mauvaise » dans la forme ou trop faible, c'est que cette forme est mauvaise ou trop faible pour provoquer dans l'âme des vibrations d'une résonance pure. De même une image n'est pas «bien peinte », si ses valeurs (les inévitables valeurs des Français) sont convenablement choisies ou si elle est répartie d'une manière quasi scientifique entre le chaud et le froid mais, au contraire, est bien peintel'image qui intérieurement vit totalement. Et de même n'est un « bon dessin » que celui auquel rien ne peut être changé sans que cette vie intérieure soit détruite, sans qu'il yait lieu de considérer si le dessin est en contradiction avec l'anatomie, la botanique ou tout autre science. [...] En bref, l'artiste a non seulement le droit, mais le devoir de manier les formes ainsi que cela est nécessaire à ses buts. Et ni l'anatomie, ni les autres sciences du même ordre, ni le renversement par principe de ces sciences ne sont nécessaires, mais ce qui est nécessaire, c'est une liberté totalement illimitée de l'artiste dans le choix de ses moyens".


KANDINSKY, Du spirituel dans l'art, et dans la peinture en particulier, Gallimard, « Folio Essais », © Nina Kandinsky, 1954, © Denoël, 1989, .pp. 197-199.

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