mardi 22 mai 2007

A quelles conditions peut-on contester la loi?


A quelles conditions peut-on contester la loi ? (corrigé)


" Contester " : de contestari, plaider en produisant des témoins. "Contester" signifie : mettre en discussion, révoquer en doute, dénier, refuser, s'opposer par des moyens divers. Mais ces moyens passent essentiellement par la discussion (cf : " plaider ").
On ne confondra la contestation ni avec la critique (dans la " contestation " il y a l'idée de récuser, de rejeter) ni avec la transgression.
" A quelles conditions " est ambigu. Trois interprétations possibles : dans quel contexte ? avec quelle légitimité ? avec quelle pertinence ? Enfin le " on " pose la question du " qui " : qui est en mesure de contester la loi ? qui est habilité pour le faire ? La loi : une règle ou un rapport de convenance. La question peut porter sur n'importe quelle loi - elle ne concerne pas seulement la loi politique. Notez toutefois le singulier : la loi, ce ne sont pas les lois.
Problématique : à quelles conditions, et avec quelles légitimité une instance ou une personnes est-elle en mesure de contester ( récuser) la loi ?
I Que ce soit justifié La meilleure justification, c'est la contestation de la loi par la loi. Ou bien de la loi au nom d'une autre loi
1) La loi par la loi : on contestera une loi inférieure au nom d'une loi supérieure (constitution). Anti-constitutionnalité d'une loi
2) La loi écrite par la loi non écrite (morale ou religieuse). Cas d'Antigone.
3) L'individu ou l'instance qui conteste la loi ne le fait pas au nom de ses intérêts ou de ses passions, mais au nom de l'idée supérieure de la justice (cf Socrate). C'est la théorie de la désobéissance civile, qui vient des Etats-Unis (Thoreau, Du devoir de désobéissance civile, 1849). Et c'est la raison d'être des contre pouvoirs.
Conclusion : le problème c'est qu'on peut toujours contester une loi au nom d'une autre supposée plus juste. Il y a donc des limites à la contestation des lois
II Que ce soit fondé Il y a des contestations infondées, soit parce qu'elles sont absurdes, soit par ce qu'elles sont irrecevables ou illégitimes
1) Contestation absurde : la contestation des lois naturelles (on ne va pas contester la chute des corps ni l'hérédité !)
2) Contestation reposant sur l'ignorance de la valeur de la loi, contestation superstitieuse par exemple la contestation des thèses de Darwin pour des raisons religieuses
3) Contestation illégitime car reposant sur une conception régressive de la justice (les partisans de l'Ancien régime contestant les lois républicaines, ou la Chine contestant l'universalité des droits de l'homme, ou les Etats-Unis contestant la justice internationale ou le protocole de Kyoto) Conclusion : pb : qui décide de ce qu'est un droit progressiste et un droit régressif ?
III Que ce soit possible
Dans le domaine des lois positives, il n'y a pas de lois incontestables, et il ne saurait y en avoir. On a même là un critère de l'Etat de droit : la contestation de la loi y est par principe autorisée.
1) Une loi, si elle est une loi, doit toujours pouvoir être contestée, sinon ce n'est pas une loi, mais un dogme, un diktat ou un décret divin (ou une " bulle pontificale ", une fatwa etc..)
2) J'ai le droit, en démocratie, de penser ce que je veux et de le dire (cf Spinoza Traité théologico politique) pourvu que je me soumette aux lois dans mes actes. En parole, je peux tout contester, même l'interdit de l'inceste, la criminalisation de la pédophilie etc..
3) Même le contrat social est contestable " il est contre la nature du corps politique que le souverain s'impose une loi qu'il ne puisse enfreindre " ( Du contrat social, L I, Chap. 7 Du souverain)
Conclusion : on contestera les lois puisque l'on en a le droit !

Conclusion.
Il n'y a pas de lois (= conventions) incontestables, hormis les lois de la nature. Mais il y a des contestations absurdes et illégitimes. Cependant l'Etat de droit admet la contestation de la loi par principe. La critique et la contestation sont autorisées et même encouragées, mais à certaines conditions. Celui qui conteste la loi ne la transgresse pas. Il la récuse, mais par des moyens légaux. La contestation violente de la loi ne peut être autorisée par le droit : " impossible de justifier par le droit la violation de droit " (Arendt). La question de savoir quand il faut désobéir est une autre question, qui pose le problème de la légitimité de la violence (cf le refus d'obéir au régime de Vichy ).

Bibliographie
Spinoza TTP Chap XX
Rousseau Du contrat social I 7 et II 4
Thoreau Du devoir de désobéissance civile (1849)
H. Arendt La désobéissance civile in Du mensonge à la violence Preses-Pocket

2 commentaires:

Mr.Bil a dit…

Analyse intéressante, merci pour cet article, bonne continuation pour votre blog et félicitation pour "La philo de A à Z" livre complet et bien expliqué.

Anonyme a dit…

merci M. Bil
LHL