jeudi 9 octobre 2008

Le spleen selon Woody Allen




A première vue, le dernier Woody Allen est une joyeuse baguenaude incarnée par des actrices irrésistibles qui s’écharpent dans une catalogne de rêve. Le film est à cet égard d’ailleurs, un ravissement. Mais il n’est pas que cela…
A l’image du visage de l’auteur dont les yeux ne parviennent jamais à sourire, cette œuvre reste grave, voire mélancolique. Elle met en scène le désir lui-même sur un mode baudelairien qui est pour finir assez désespéré. Trois des héroïnes du film (Vicky, Cristina et Judy) sont des déclinaisons de Emma Bovary. Le personnage de Judy (leur hôtesse) vend la mèche brutalement lorsqu’elle met en garde Vicky à la veille de son mariage : « Quand je vois Doug (le fiancé de Vicky) , je vois Mark (son mari ) ! ». Le hasard qui place sur le chemin de Vicky un improbable objet d’amour (insolite Juan Antonio ) a pour effet de lui déciller les yeux en un temps record. Mais de toute façon, le désenchantement viendra tôt ou tard (et d’ailleurs Vicky n’est pas insensible, très vite, aux charmes d’un second « premier venu » !). Vicky aperçoit désormais son fiancé, avant même la fin des noces, sans le filtre de l’amour-fou. Le « sel » du désir s’est déjà évaporé….
Quant à Cristina, autre Emma, en plus affranchie, « elle sait ce qu’elle ne veut pas, mais elle ne sait pas ce qu’elle veut ». Mais ce qu’elle croyait vouloir (une vie excitante, esthétique, libre) devient trop rapidement ce dont elle ne veut plus : « L’illusion cesse où commence la jouissance ». Quant à Maria Helena, elle ne peut assumer l’amour qui la lie à son ex-mari, pas plus que la répulsion qu’il lui inspire (« c’est une contradiction »).
Pour tous les héros de Allen – mais ce n’est pas neuf– « le pays des chimères est le seul digne d’être habité » .

Aucun commentaire: