jeudi 24 avril 2008

Rien n'arrête Michel Onfray



Voici maintenant qu'il tient Kant pour responsable du nazisme dans Le songe d'Eichmann... Kant comme poison et comme remède


(Roger-Pol Droit a bien mis le doigt sur le problème de de Onfray : la pensée "binaire")

13 commentaires:

Anonyme a dit…

"pensée binaire " c est à dire ?

Anonyme a dit…

"pensée binaire " c est à dire ?

Anonyme a dit…

Zut, je peux pas encore suivre le lien vers l'article du Monde. Il faut être abonné. Y a-t-il un moyen pour contourner ce problème?
Bonne journée
GF de Boucherville ;-)

Lhansen-Love a dit…

Binaire: qui sépare en deux camps, les bons et les mauvais, en l'occurence..
matérialisme athée= bons
croyants = mauvais
J.L. Melenchon est pareil.

Lhansen-Love a dit…

On ne peut pas contourner, il faut payer!
Soit au mois
Soit au cas par cas (je vous signale les articles à temps)
Vous pouvez y accéder, je crois, sans payer, dans les 15 jours qui suivent...

Anonyme a dit…

Onfray a vraiment un problème... Cela me rappelle un entretien dans lequel il expliquait, en substance, que le pouvoir corrompait nécessairement, les dirigeants politiques étaient donc quasiment nécessairement des salopards dominateurs qui oppriment le bon peuple. Et évidemment dans cette affaire Onfray se plaçait du côté des opprimés.

Là il y va fort... Il suffit de sortir le sixième article préliminaire du Projet de Paix Perpétuelle pour voir que si le régime nazi avait appliqué Kant à la lettre, jamais il n'y aurai eu de camps d'extermination :

«6.Aucun État, en guerre avec un autre ne doit se permettre des hostilités de nature à rendre impossible la confiance réciproque lors de la paix future.»

Lhansen-Love a dit…

OUi, Jean-Baptiste, Arendt a bien expliqué que Eichmann fait un contre-sens, car le devoir n'est le devoir que si je me donne à moi-même la loi. Je ne comprends comment Onfray ose.. mais je n'ai pas lu le livre!

Anonyme a dit…

Dans une émission télé ou il fait la promotion de son livre le songe d'Eichmann (http://www.dailymotion.com/relevance/search/Onfray/video/x5782s_michel-onfray-bateau-livre-24042008_news), il me semble que Michel Onfray commet un grave contresens concernant la pensée de Kant.
Vu son niveau de connaissance, je pense que c'est tout sauf involontaire, ce qui m'inquiète. Puisqu'il dit que tout ce qu'il affirme est vérifiable, on peut vérifier en relisant le texte de Kant cité par Onfray au cours de l'entretien, Qu'est ce que les lumières?: http://www.ac-grenoble.fr/PhiloSophie/articles.php?lng=fr&pg=270
En particulier le paragraphe 5: Kant recommande l'usage public de la raison, c'est à dire le droit de critiquer dans un espace public les ordres auxquels on a certes obéi dans notre fonction privée. A comparer avec le propos de Michel Onfray: avec Kant "tu te sers de ton entendement mais calme, pas publiquement". (passage entre 3 min 34 et 3 min 51). C'est grave comme contresens. C'est très bien de sortir la philo de son ghetto, mais il n'a pas le droit de détourner des propos...
Et personne pour pointer du doigt des erreurs pareilles! Bravo les journalistes!

Lhansen-Love a dit…

POurriez-vous expliquer exactement en quoi consisite le contresens pour ceux qui ne l'ont pas entendu? Merci!

Anonyme a dit…

Je veux bien essayer… Mais je ne suis ni philosophe ni étudiant en philosophie… Donc je ne suis pas sûr du tout de ce que je propose.
En particulier, le texte de Kant Qu’est que les lumières est très complexe (à cause de la distinction usage publique/ usage privée de la raison).

Pour bien comprendre le problème je crois qu’on peut citer cette phrase de Kant, qui est en plein dans le sujet: "Il serait très dangereux qu’un officier à qui un ordre a été donné par son supérieur, voulût raisonner dans son service sur l’opportunité ou l’utilité de cet ordre ; il doit obéir. Mais si l’on veut être juste, il ne peut lui être défendu, en tant que savant, de faire des remarques sur les fautes en service de guerre et de les soumettre à son public pour qu’il les juge. "
Si certes l’officier doit obéir aux ordres, il doit aussi commenter et éventuellement critiquer publiquement les ordres qu’il a reçu s’il les juge illégitimes ! Publiquement, c'est-à-dire, s’adresser à un public, en écrivant dans un journal –pourquoi pas sur le web ?, dénoncer, avertir sur la place publique, sur tous les espaces publics. Ose penser par toi même, pour Kant, cela veut dire: obéis en privé mais réfléchis ; en public dis ce tu as à dire.
Mais Onfray dit le contraire en affirmant que selon Kant on ne doit pas exposer notre avis publiquement.
Et, que je sache Eichmann n'a jamais cherché à avertir un quelconque public des dangers de la solution finale... Si le vrai Kant intervenait dans la pièce de théâtre d’Onfray, je crois qu’il dirait à Eichmann : « Qu’avez-vous fait pour informer sur la réalité de la solution finale ? Avez-vous cherché à l’empêcher en avertissant un public susceptible de vous aider ? Avez-vous dénoncé cette entreprise inhumaine ? Avez-vous au moins tenté de le faire ? Comment avez-vous pu supporter d’obéir aux ordres nazis sans jamais chercher à les dénoncer ?». Eichmann évidemment n’a rien fait. La vérité, c’est qu’Eichmann est de mauvaise foi quand il se dit Kantien lors de son procès. Il triche, c’est évident. Et, le pire, Onfray avec lui !

Au passage, il me semble que Kant admirait la révolution Française (pour un adepte de l'obéissance...) et il a critiqué très fortement le christianisme (" de prétendus miracles opprimèrent le peuple sous les lourdes chaines d'une superstition aveugle", La religion dans les limites de la simple raison, Kant) ce qui lui valut de graves menaces du pouvoir en place -Frédéric Guillaume II lui avait ordonné de se taire!

Anonyme a dit…

Après, je me pose une question. Je vous adresse cette question, Madame Hansen-Love, puisque vous êtes professeur de philosophie.

Il existe un officier SS qui a travaillé sur le gaz zyclon B et qui a cherché en même temps à alerter le Vatican sur la solution finale pour l’empêcher : non pas Eichmann, mais Kurt Gerstein.
Voir sur ce thème, l'excellent film de Costa Gravas, Amen (http://fr.wikipedia.org/wiki/Amen) et la pièce de théâtre Le Vicaire de Rolf Hochhuth (dont le film est tiré).
Ce qui est frappant avec Gerstein, c'est qu'il travaille en tant qu’officier nazi mais qu'il cherche aussi à avertir le Vatican du danger et je crois à demander une intervention militaire. Ne fait-il pas un bon usage public et privée de sa raison ?
N’est-ce pas là une limite de la démarche de Kant dans Qu’est ce que les lumières ?
Bref, que Kant n’a pas prévu l’attitude à avoir face au mal le plus violent, qui va s’incarner dans le nazisme. (Mais je ne dis pas que c’est sa faute !)
Mais aussi, le problème de Gerstein c'est que le Vatican et les agents américains qu'il a rencontré ne l'ont pas écouté quand il les informait...

Lhansen-Love a dit…

merci panayotou, c'est clair ce que vous dites.
Le curé peut écrire des livres pour dire sa pensée (en public) mais il ne peut pas s'exprimer en tant que représentant de l'Eglise ("en privé") en chair.
De même , un prof peut écrire ce qu'il veut en tant que philosophe ou écrivain. Mais il n'a pas le droit d'enrégimenter ses élèves en cours.Quant à Eichmann, il aurait dû s'opposer à Kant tant en privé (refuser d'obtempérer) qu'en public (s'il avait pu).
Il y a des nazis qui ont désobéi, même s'ils sont rares. Même Kantien un nazi doit désobéir! Voire cesser d'être kantien, pour l'occasion. Il est vrai que le nazisme n'est pas dans les possiblilités imaginées par Kant.
Jankélévitch s'est exprimé là dessus et (j'imagine) plus subtilement que M. Onfray.
De toute façon Eichman n'est pas kantien parce qu'il ne pense pas par lui-mêmee, ce n'est pas si compliqué...
Kant dit que nous devons agir comme nous pensons que nous devrions agir (si nous le pouvions...) et comme tout homme devrait agir dans des corconstances semblables...
On voit mal comment, partant de là, on peut en conclure que l'on doit exterminer un peuple entier par soumission aux ordres d'un chef, fut-il Hitler..

Anonyme a dit…

Retour sur Les Bienveillantes de Jonathan Littell : La morale kantienne dans la solution finale est abordée par A. Eichmann et Max Aue : comment ériger l'assassinat de masse en loi universelle ? Pendant la guerre l'impératif catégorique est suspendu. Eichmann aimerait élever sa tâche à la même hauteur morale que le devoir défini par Kant. Aue développe l'idée que la volonté du Führer, incarnation de la volonté du Volk, devient le nouvel impératif catégorique.

On pourrait opposer à M. Aue que le Befehlnotstand , le «devoir obéir aux ordres», c'est agir sans pouvoir agir, c'est la marque de l'impuissance du nazi rivé à la volonté du Führer, incarnation du Volk défini par le fantasme racial. L'humanisme kantien et l'universalisme de l'impératif catégorique sont l'interdiction du nazisme ( «Agis de telle sorte que tu traites l'humanité, aussi bien dans ta personne, que dans le personne de tout autre, toujours en même temps comme fin, jamais simplement comme moyen.» )