lundi 29 octobre 2007

7h58 ce samedi-là de Sidney Lumet

50 ans séparent 12 hommes en colère (1957), de 7h58 ce samedi-là, du cinéaste Sidney Lumet, sorti ce mois-ci sur les écrans parisiens. Le sémillant cinéaste de 84 ans n'a certes pas chômé entre temps! Plus de 50 films, divers et inégaux, jalonnent son parcours. Mais ce qui frappe à l'occasion de la sortie de celui-ci, c'est la belle constance avec laquelle le réalisateur démonte la mécanique tragique de la criminalité (presque ) ordinaire. Dans 12 hommes en colère, un homme seul lutte héroïquement pour sauver la peau d'un innocent. Dans 7H58 ce samedi-là, deux fils de famille désargentés enclenchent malencontreusement une machine infernale qui va les précipiter en enfer. Sidney Lumet nous offre dans chaque cas une éblouissante illustration du fameux adage socratique : " nul n'est méchant volontairement ". Les 11 jurés apathiques, lâches ou résignés de 12 hommes en colère ont tous leurs " raisons " (calcul, inconscience, bêtise..). Les frères assassins de 7h58 ce samedi-là ne sont pas non plus à proprement parler " méchants ". Le seul problème, c'est qu'ils " oublient " de prendre en considération les conséquences possibles de leurs actes. La conscience morale est chez eux court-circuitée par leurs seules préoccupations immédiates. L'enfer n'est ici pavé que d'absences d'intentions. Sidney Lumet démontre ainsi avec brio que le mal est bien souvent un processus sans sujet. Les auteurs d'un crime, d'une injustice fatale, ne veulent pas forcément nuire. Comme l'a montré Hannah Arendt à propos de Eichmann (Eichmann à Jérusalem. Rapport sur la banalité du mal), le mal n'est rien d'autre que " absence de pensée ", autrement dit abstention de la volonté et démission morale. Socrate avait donc raison (Ménon, 77 c). Si personne n'est méchant, la criminalité, tantôt active, tantôt passive, n'est jamais qu'une affaire de circonstances.

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