mercredi 17 octobre 2007

Nous avons besoin de héros .... (LHL)

Voici mon point de vue:

Un héros est un personnage légendaire auquel on prête un courage et des exploits remarquables.
Héros, héroïsme : ce sont des notions désuètes, dépassées, inappropriées à notre époque positiviste, utilitariste, individualiste. Nous avons pu nous passer de Dieux, nous pouvons nous passer de mythes, et a fortiori de « héros ». Et d’ailleurs le mot est-il encore employé dans le langage courant ? Dirait-on que Guy Môquet est un « héros » à nos yeux… probablement pas.
Et pourtant. Nous pouvons difficilement nous passer de héros. Tout d’abord parce que l’homme est un animal politique
Ensuite parce que nous avons d’autant plus besoin de héros que nous n’avons plus de lien symbolique religieux. Enfin parce que si nous n’avons pas de « héros » nous avons des idoles.

L’homme est un animal politique
Il vit en société, Aristote disait en cité. Or la cité n’est pas une communauté de territoire ni un regroupement d’intérêts partagés (cf l’Europe qui n’est pas encore « politique »). Une cité est une communauté rassemblée autour d’un même idéal de justice. Les hommes d’une même cité se reconnaissent dans un même idéal. Or les idéaux doivent être incarnés. La morale ne sera suivie que si certains hommes l’incarnent de manière exemplaire. Soit nos pères (c’est la condition de la vertu selon Montesquieu) soit nos « héros » qui inspirent notre respect et notre admiration (par exemple les résistants ou les « Justes)

Faute de Dieux, il nous faut des « héros »
Dans une société laïque, nous avons des Dieux, mais pluriels (plusieurs systèmes de croyance en concurrence). Et certains d'entre nous sont athées. D'où le problème:
Qu’est-ce qui peut désormais souder la communauté ?
On peut peut-être se passer de religion, mais il n'est pas certain que l'on puisse se passer de croire. « Pour moi, je doute fort que l’homme puisse jamais supporter à la fois une complète indépendance religieuse et une entière liberté politique ; et je suis porté à penser que s’il na pas la foi, il faut qu’il serve, et s’il est libre, qu’il croie » Tocqueville (De la démocratie en Amérique, Tome 2, Instinct démocratiques de la religion, Folio, p 39)
En résumé : moins on est religieux, plus on besoin de croire et de se raconter des histoires : voir les grands mythes de la modernité, dont celui du sauveur (Mythes et mythologies politiques, Raoul Girardet et Nostalgie de l’absolu de G. Steiner)

Le grand homme est un héros laïc
Comme Périclès , comme Napoléon, Churchill, De Gaulle, les Pères fondateurs des Etats-Unis (Lincoln, Washington.. )
Voir l’analyse de Arendt : (H.Arendt : La vie de l’esprit, pp 152-157)
Héros : c’est un demi-Dieu .
Nos grands hommes sont la transposition (laïque) des anciens « héros » (des « messies séculiers" selon G. Steiner).
Chez Homère, le titre de « héros » est la récompense prisée d’actions éclatantes et de paroles admirables ». Ce qui confère une immortalité potentielle.
Question : comment devient-on immortel ? (Pindare : si les hommes sont privés d’éloges, leur grandeur passe inaperçue : ne pas négliger le rôle de la transmission. Qui est digne d’éloge ? Périclès (495-429) ou Thucydide qui lui rend hommage?).
Pour les grecs, tous les hommes doivent s’efforcer à l’immortalité. Pourquoi ? Parce que, par rapport à tous les autres êtres vivants, l’homme est un Dieu. C’est une « façon de Dieu mortelle » dit Cicéron.
(Héraclite « Il est une chose que les hommes préfèrent à tout : la gloire éternelle aux choses périssables; mais la foule trouve la satiété à la manière des bêtes ».)
Pour les grecs, la quête d’immortalité est le seul stimulant digne de l’homme. Le héros est celui qui accomplit une action noble, une action qui confère la noblesse : « celle qui sert pour l’éternité à s’assurer une gloire impérissable ».
Quelle action ? Le sacrifice de sa vie, sacrifiée à quelque chose qui vaut plus que la vie : la liberté. H. Arendt : tout change avec la philosophie (p 157) Penser est une activité qui confère la divinité).
Mais au V siècle avant JC, le grand homme c’est Périclès : parce qu’ il a fait d’Athènes une cité qui suscite l’admiration générale.
Cf L’éloge d’Athènes par Périclès dans Thucydide : « notre cité dans son ensemble est l’école de la Grèce » . Et aussi :
« Les hommes éminents ont la terre entière pour tombeau » (Guerre du Péloponnèse II Chap 44-45)
Conclusion : nous avons encore des héros. Dans le sens non pas patriotique comme par le passé, mais en tant que symboles de la liberté qui résiste à l’oppression (au risque d’y perdre la vie).
Par exemple : Ayaan Hirsi Ali (députée néerlandaise), Aung San Suu Kyi (opposante birmane), le Dalaï-lama etc..
Ou encore : Al Gore, et de façon générale, les prix Nobel de la paix. Ce sont des héros ayant une dimension universelle. On considère que leur action est bénéfique pour l’humanité tout entière (on peut en dire autant des grands philosophes, écrivains (cf Salman Rushdie) et artistes - le risque en moins en général).
Nous avons tendance à substituer des idoles aux héros.
C’est pourquoi nous avons besoin de héros. Pour compenser, éviter ou tempérer l’idolâtrie.
Aujourd’hui, nous vouons un culte à des personnes, ou à des symboles, pour des raisons autres que morales. Diamétralement opposées à toute morale même !
Nous adorons nos stars comme des demi-Dieux… ce qui est de l’idolâtrie (de eîdolon : idole, objet que l’on adore à la place du divin, comme si c’était un Dieu, par opposition à l’icône, de eîkon, qui n’est pas confondu avec l’être qu’il représente).
Il y a bien identification et adoration, mais de qui ? De nos idoles nationales sportives, nos
« Dieux du stade » : Zidane, Laure Manaudou, Yannick Noah . Des stars de cinéma (identification ?). Des stars du rock’ n roll (cf Jim Morrison et Ian Curtis de Joy Division, cf Control).Des vedettes de la téléréalité ou de feuilleton TV (Mimie Mathy= Joséphine Ange gardien)
Ce sont des idoles démocratiques .
Ce que l’on adore avec eux, c’est le symbole de la réussite sociale fondée théoriquement sur le seul mérite ou talent. Mais ce sont des réussites spectaculaires mais souvent problématiques. Leur seul point commun, le succès, au sens de : la gloire et l’argent.
Pour le reste … ce sont des gloires souvent éphémères, souvent discutables (cf dopage) et associées à la souffrance, la mort, voire le suicide etc… Nos idoles sont les symboles des valeurs d’une société libérale voire hyper libérale : individualiste, matérialiste, vénale et où tout est volatile (sauf l’argent justement).
On est aux antipodes de la sagesse et de l’héroïsme au sens moral c’est-à-dire universel.
Conclusion
Nous avons d’autant plus besoin de héros que nous vivons dans une époque désenchantée, laïque et positiviste. Nous ne pouvons pas nous passer de croire. Mais la foi dans les seules valeurs du sport ou du show biz ne nous délivrent aucune véritable espérance.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

C'est une impression ou le Che est un héros pour la plupart de vos élèves ?

Lhansen-Love a dit…

non, même si le nom est souvent cité, je ne crois pas que l'on puisse dire cela..