La colère n'a plus de débouchés en Occident:
"Autrefois, la révolte avait ses débouchés. Partis et organisations tentaient de la canaliser pour la transformer en énergie politique. L'exaspération des humiliés était le moteur de l'Histoire, leur juste courroux allait briser le cercle de l'oppression. Désormais, constate Peter Sloterdijk, la fureur qui sature notre planète ne trouve plus aucun exutoire universel. Puissance éparpillée, elle tourne à vide.
« S'il fallait exprimer en une phrase la caractéristique forte de la situation psychopolitique actuelle du monde, ce devrait être la suivante : nous sommes entrés dans une ère dépourvue de points de collecte de la colère », écrit-il dans Colère et temps.Le philosophe y décrit les aventures de la « colère », envisagée comme force fondamentale dans l'écosystème des affects ». Son enquête commence avec L'Iliade et la colère " thymos") homérique ; elle se poursuit avec ces deux grandes « banques de la colère » qu'ont été, selon lui, l'Eglise chrétienne et l'Internationale communiste ; elle s'achève à l'horizon de l'islamisme, lequel croit pouvoir prendre le relais aujourd'hui, alors qu'il ne fait que semer la frayeur en Occident, là où toute colère authentique semble avoir déserté : « Pour partisans de l'idylle libérale, la terreur islamiste reste un invité malvenu - en quelque sorte un tagueur fou, qui défigure avec ses messages obscènes les façades des sociétés sans ennemis».
« S'il fallait exprimer en une phrase la caractéristique forte de la situation psychopolitique actuelle du monde, ce devrait être la suivante : nous sommes entrés dans une ère dépourvue de points de collecte de la colère », écrit-il dans Colère et temps.Le philosophe y décrit les aventures de la « colère », envisagée comme force fondamentale dans l'écosystème des affects ». Son enquête commence avec L'Iliade et la colère " thymos") homérique ; elle se poursuit avec ces deux grandes « banques de la colère » qu'ont été, selon lui, l'Eglise chrétienne et l'Internationale communiste ; elle s'achève à l'horizon de l'islamisme, lequel croit pouvoir prendre le relais aujourd'hui, alors qu'il ne fait que semer la frayeur en Occident, là où toute colère authentique semble avoir déserté : « Pour partisans de l'idylle libérale, la terreur islamiste reste un invité malvenu - en quelque sorte un tagueur fou, qui défigure avec ses messages obscènes les façades des sociétés sans ennemis».
Le chemin de Sloterdijk croise celui de Platon, de Nietzsche et d'Heidegger. Il lui fournit aussi l'occasion de discuter Georges Bataille ou Jacques Derrida. Contre celui-ci, il se livre à une réhabilitation du politologue américain Francis Fukuyama et de son livre La Fin de l'Histoire (1992). « La référence moqueuse au titre de Fukuyama est devenu un runing gag [blague à répétition] du feuilleton politique en Europe », déplore le philosophe, qui affirme que l'auteur américain, en élaborant une « psychologie-politique » des sociétés postmodernes, a touché au nerf de l'époque : « Ce qu'on appelle le terrorisme global, en particulier, est un phénomène totalement posthistorique. Son heure vient lorsque la colère des exclus s'associe à l'infotainment des inclus pour former un système de théâtre de la violence destiné aux derniers hommes (1. Vouloir accoler un sens historique à cette entreprise de terreur serait abuser de façon macabre de réserves lexicales épuisées », prévient-il" Jacques Birbaum
Colère et temps (Zorn und Zeit) de Peter Sloterdijk
Colère et temps (Zorn und Zeit) de Peter Sloterdijk
Traduit de l'allemand pas Olivier Mannoni, Libella/Maren Sell, 320 p., 26 €.
1) L'expression "dernier homme " est empruntée à Nietzsche. Elle désigne les hommes après la mort de Dieu.
2 commentaires:
AU sujet de cet ouvrage, un intéressant entretien du philosophe par Elisabeth Levy :
http://www.causeur.fr/a-la-recherche-de-la-colere-perdue
merci!
Enregistrer un commentaire