A propos des régimes spéciaux:
Ces derniers temps, dans le cadre des revendications concernant le maintien des régimes spéciaux de retraite, on entend désormais beaucoup le mot « équité ».
Or il me semble qu’il y a là un problème, une difficulté ou bien un malentendu.
Soit la justice, dont se réclament les grévistes ces jours-ci , c’est l’égalité ("la loi est la même pour tous") . Dans ce cas là, les « régimes spéciaux » n’ont pas vraiment lieu d’être, si l' on doit adopter une même règle pour tous (avec
évidemment des variables d’ajustement concernant le calcul des pensions, entre autres). Cette règle est la suivante : il faut cotiser 40 ans pour avoir une retraite à taux plein. Tel est le régime commun aujourd’hui depuis que les fonctionnaires ont été alignés sur le régime privé. Ceci est lié au rallongement qui concerne en gros tout le monde.
Soit on dit : "la justice c’est l’équité"(c’est ce que disent désormais les syndicalistes et les manifestants, si j’ai bien compris).
Mais l’équité, cela signifie deux choses.
1) Non pas le (simple) respect de la loi, mais le respect de l’
esprit de la loi, ce qui implique beaucoup de souplesse, de liberté d’appréciation.
2) L’équité cela signifie un traitement différencié selon les catégories, et même selon les personnes. Pour cette raison, l’équité n’est pas spécialement une valeur de gauche -soit dit en passant. Si la justice, c’est l’équité, alors il faut accepter l’idée que le droit au départ en retraite ne doit pas obéir à une règle unique, mais qu’il peut varier selon plusieurs paramètres ; la pénibilité, mais pas seulement. On peut tenir compte aussi du stress ( ce n’est pas exactement la même chose) du degré de responsabilité, du taux de cotisation etc…
Ce qui est sûr c’est que cela devient très compliqué, avec pour conséquences :
On ne peut pas ériger une loi simple et unilatérale sur un tel sujet... sinon une loi-cadre pour dire que l' on décidera au cas par cas.
Par exemple : dans l’enseignement, il pourrait y avoir des régimes de retraites très différents selon qu’on est agrégé dans les beaux quartiers et donc « privilégié » ou bien que l’on travaille dans des conditions très difficiles. En ce qui concerne la SNCF ou la RATP ou EDF, on pourrait avoir des traitements différenciés selon les emplois, plus ou moins pénibles.
L’équité c’est aussi le fait de prendre en compte le mérite des gens dans leur carrière, ou tout au moins les particularités de cette carrière.
Bref, l’équité ce n’est pas du tout la justice au sens où la gauche l’entend en général. Parce que l’équité, c’est des traitement différenciés donc beaucoup plus de liberté et beaucoup plus d’arbitraire aussi dans les décisions que n’en tolère les syndicats en général. Bref l’équité ne se prête mal aux slogans (les revendications des grévistes aujourd'hui, au nom de l' "équité" (?) sont d'ailleurs mal comprises) et ne se peut se décréter en fonction de la pression de la rue.
Pour finir, il me semble que l' on doit toujours garder à l’esprit - envers et contre tout, dans un souci de justice - le caractère prioritaire de l’égalité par rapport à l’équité. Aujourd’hui, il est évident que tout le monde (= égalité) doit accepter de rallonger le temps de cotisation -sauf à admettre que les générations à venir devront trimer davantage pour garantir les droits acquis de leurs parents et grands parents.
Nous allons, en règle générale, devoir travailler plus longtemps (jusqu’à 65 ans, c’est évident).
Commençons par le reconnaître.
Puis envisageons de réfléchir, avec le gouvernement à des assouplissements de la règle générale (la même pour tous) selon la pénibilité du travail etc…, mais ceci doit être pris en compte au sein de chaque profession et de chaque entreprise. Au nom de l’équité. De même que le "mérite" doit être pris en compte dans toutes les professions. Y compris la fonction publique.
Je me trompe ?