mardi 23 octobre 2007

Vivre libre, le film de Renoir

VIVRE LIBRE DE JEAN RENOIR

Etienne de La Boétie, dans son célèbre Discours de la servitude volontaire (1548), se demande pourquoi les hommes se résignent à la servitude, étant donné qu’un seul homme (le roi) même assisté d’une armée , ne peut tenir en respect un peuple entier pendant des centaines d’années. Et La Boétie répond : ignorant la liberté, les hommes ne peuvent y aspirer. D’où ce cercle infernal : jamais un peuple habitué à la servitude ne cherchera à s’émanciper, précisément parce qu’il est aliéné, tout d’abord sur le plan moral (« la seule liberté, les hommes ne la désirent point »). Et pourtant l’émancipation doit être postulée, l’hypothèse de la liberté retrouvée doit toujours être formulée.
Pour La Boétie, il appartient aux « esprits droits » de suggérer toujours qu’il existe un chemin de la liberté. Ils n’ont d’autre ressource que la culture, c’est-à-dire la mémoire collective qui nous rappelle avec constance que la liberté a existé, autrefois, dans d’autres contextes :


« Ceux-là ayant l’entendement net et l’esprit clairvoyant, ne se contentent pas, comme les ignorants encroûtés, de voir ce qui est à leurs pieds, sans regarder ni derrière ni devant ; ils rappellent au contraire les choses passées pour juger plus sainement le présent et prévoir l’avenir. Ce sont eux qui, ayant d’eux-mêmes l’esprit droit, l’ont encore rectifié par l’étude et le savoir. Ceux-là, quand la liberté serait perdue et bannie de ce monde, l’y ramèneraient : car, la sentant vivement, l’ayant savourée et conservant son germe en leur esprit, la servitude ne pourrait jamais les séduire, pour si bien qu’on l’accoutrât ».
De la servitude volontaire, pp196-197, Payot

Dans Vivre libre de Jean Renoir (1943), Albert Lory et le professeur Sorel, son maître, son modèle, sont ces esprits droits qui ne se résignent pas à l’esclavage. Alors même que Von Keller (le commandant nazi) et Gorges Lambert, déploient toute une argumentation fort raisonnable pour justifer la collaboration. On notera le discours de Von Keller dans lequel il explique que le sytème nazi fonctionne parce que partout il trouve des complices zélés. Tout le monde, sous l’occupation, avait un intérêt à défendre. On voit dans ce film qu’entre le résistant Lory, Paul Marin, le professeur Sorel et les collaborateurs il n’y a pas de milieu, comme en témoigne le personnage de la mère, criminelle par défaut, par abstention, puis criminelle active. Cette vision des choses a forcément choqué lorsque le film a été projeté en France en 1946.Il reste cependant une figure intermédiaire, celle de Georges Lambert, qui finit par admettre sa culpabilité. Il est l’incarnation de la « conscience déchirée », ou « conscience tragique » , c’est-à-dire prisonnière de contradictions insurmontables,dont parle Hegel dans d’autres contextes.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Bonjour Mme Hansen Love, je poste un message n'ayant rien à voir mais j'aimerais savoir si vous pouviez me donner quelques pistes pour une dissertation de L : Peut on être soi-même sans autrui? Je vous avoue être un peu effrayé car le sujet est nouveau. Notre professeur nous as simplement parler de Levinas... merci beaucoup.

Lhansen-Love a dit…

Vous êtes en terminale?
C'est un sujet de cours très bateau sur autrui.
Qu'attendez vous de moi?
Levinas est très difficile
Quel est votre manuel?
(Dans un cas comme cela postez vos mails dans le message du jour svp)

Gloria a dit…

This Land Is Mine/Vivre Livre is my favouritest film of all time