mardi 27 novembre 2007

De quel droit? ( à propos de quelques principes démocratiques)





A propos de la démocratie


(Quid juris , de quel droit ?)



Quelques remarques :
La démocratie est le règne du droit. Le droit c'est le contraire de la force. Ce qui est juste, c' est ce qui est décidé conformément aux règles (du droit).
Ainsi la majorité des représentants des citoyens (parlement) promulgue les lois. Mais n'importe quelle majorité de n'importe quel groupe ne peut ni déterminer la loi ni l'abolir (par exemple : une majorité de professeurs ne va pas forcer le gouvernement à abolir une loi dont ils considéreraient qu'elle les lèse en menaçant de boycotter le bac. Ce ne serait pas légitime). De même les lycéens d'un lycée, ou même la majorité des lycéens de France, ou la majorité des étudiants de l'Université, ne peut forcer un gouvernement à abolir une loi qu'ils jugent injuste. S'ils le font, c'est au nom de leur force et non au nom du droit.


Seuls ceux qui ont promulgué les lois peuvent les abroger.
En démocratie, on peut toujours contester les lois. Il n'y a pas d'exception à cette règle.Mais on doit contester suivant le droit, c'est-à-dire suivant les règles de la démocratie (manifestations, protestations exprimées, pétitions, grèves etc..)
Cependant, pendant que l'on conteste les lois, on doit s'y soumettre. Par exemple si la loi interdit la cigarette dans les lieux publics, ou si la vitesse est ramenée à 90 kms heure sur autoroute, on peut protester, mais en attendant, on se soumet, on obéit. C'est ainsi que Socrate dans le Criton explique qu'il se soumettra aux lois, lois qu'il a pourtant contestées toute sa vie.
Admettons qu'une majorité de lycéens d'un lycée décide de fermer le lycée pour un mois, en organisant un vote et en obtenant la majorité en faveur de cette fermeture. Cela serait-il juste?Non. Parce que même si une majorité de lycéens d'un lycée donné, pour une raison quelconque , décide d'arrêter le travail, ils n'ont pas le droit , de ce fait, d'empêcher la minorité qui veut travailler de le faire.


La règle de la majorité ne vaut que pour les décisions prises selon des procédures adoptées par la nation tout entière. C'est ce qu'on appelle la constitution, ce que Rousseau nomme la Loi, et qui est l'expression de la "volonté générale"
Cela signifie-t-il qu'il faut se soumettre à n'importe quelle loi, dans tous les cas, ne jamais protester?Absolument pas. On peut toujours contester la loi (argumenter, protester, le dire, l'écrire). On peut organiser des discussions au lycée... en dehors des heures de cours , manifester etc..
Mais je ne vois pas comment l'organisation d'un blocus - même décidé par la majorité des lycéens– pourrait relever du droit, donc de la démocratie .






13 commentaires:

Anonyme a dit…

Totalement d'accord avec toi qui que tu sois.

Anonyme a dit…

mais qui a prétendu que les blocages étaient démocratiques? si on les vote c'est en grande partie à cause de l'administration et plus pour avoir une légitimité qu'autre chose...de plus la démocratie ne me semble pas antinomique de moyens non-démocratiques. en effet, la démocratie s'est obtenue par la force ( des révolutions) et non par le droit. si nous sommes contre la loi Pécresse c'est aussi pour plus de démocratie dans les universités.
en outre, comment parler de démocratie lorsque les médias ne sont pas libres??

Anonyme a dit…

C'était aussi la position d'un professeur ce matin.

"Je refuse de céder à cette tyrannie, passer par la porte de derrière comme un larbin...! qu'ils protestent comme ils veulent, mais qu'ils ne portent pas atteinte à ma liberté! Je ne donnerai pas cours tant que ce blocus ne sera pas terminé!"

Lhansen-Love a dit…

Réponse à anonyme numéro 1
Je vous l'accorde: les blocages ne sont pas des procédés démocratiques.

Non, la démocratie n'a jamais été instaurée par le force, car le droit ne peut pas procéder de la force, par définition.
Si la force pouvait instaurer le droit, une force plus forte pourrait supprimer le droit ainsi instauré.
Un système, quelqu'il soit, ne peut être légitime que si le peuple constitué et consulté l'approuve.
Non, la démocratie n'est pas compatible avec le mépris des règles de la démocratie (cf la situation actuelle en Russie par exemple)
Second argument: "nous voulons plus de démocratie à l'Université".Première nouvelle. Si vous ne respectez pas les principes de la démocratie, qui peut croire que vous voulez "plus de démocratie"?
Troisième argument: "la presse n'est pas libre , et nous ne vivons pas en démocratie". Admettons.
Pouvez-vous me dire quels sont les pays qui sont démocratiques à vos yeux?

Anonyme a dit…

Vous dites : en démocratie, "la majorité des représentants des citoyens (parlement) promulgue les lois". Justement, ça fait deux intermédiaires, deux filtres, entre le citoyen et la décision :
- la règle de la majorité
- le fait de la représentation
En des temps où tout le monde peut parler de tout à tout moment, où l'on mesure l'audimat en permanence, où les moyens sont disponibles pour une démocratie directe électronique (une sorte de référendum électronique perpétuel est possible), ces deux intermédiaires sont clairement en crise.

Lhansen-Love a dit…

Vous pensez vraiment que les citoyens, désormais , doivent directement faire ou abroger les lois? Simplement en utilisant l'outil Internet?
Que le parlement est devenu inutile?
Si tel est le cas, il faut assurément changer de toute urgence notre constitution....

Anonyme a dit…

LHL : "Vous pensez vraiment que les citoyens, désormais , doivent directement faire ou abroger les lois? Simplement en utilisant l'outil Internet?
Que le parlement est devenu inutile?"

Non, je ne le pense pas. Mais je crois que ces nouvelles possibilités technologiques modifient la légitimité des procédures habituelles de représentation et de décisions démocratiques. Par exemple, il me semble que les "temps" de la démocratie (les mandats électoraux) sont trop longs par rapport au temps de l'opinion.
"Ce n'est pas la rue qui gouverne", certes. Mais quand la rue manifeste, elle peut signifier qu'elle veut reprendre une souveraineté qu'elle n'avait pas déléguée pour un tel usage.

Lhansen-Love a dit…

Et que penserez-vous si la rue est envhahie par des manifestants d'extrême droite? Ou par des groupes de gens armés et ultra violents (cf les émeutes actuelles)?
Croirez-vous encore que les procédures démocratiques actuelles sont caduques?
Et que la démocratie directe réglée au jour le jour par la rue ou par les internautes est une formule mieux adaptée aux temps modernes?

Anonyme a dit…

CQFD

Anonyme a dit…

"pendant que l'on conteste les lois, on doit s'y soumettre"
et que faites vous de la désobéissance civile, qui a permis, au nom d'un principe considéré comme supérieur à la loi et en désobéissant à celle-ci, d'obtenir de grandes avancées comme pour le peuple indien avec Gandhi ou pour les noirs américains avec Martin Luther King ?

par ailleurs, je m'étonne du ton didactique voire même péremptoire que vous employez en tant que professeur de philosophie. "C'est ci, c'est ça, ce n'est pas ça".
Moi qui croyais que la philosophie, c'était justement tout sauf une doctrine préétablie.
Moi qui croyais qu'un professeur de philosophie avait pour rôle de poser les bonnes questions et non de donner les fausses bonnes réponses.

En espérant que l'ancienneté de ce post n'empêchera pas le débat de se prolonger...

Lhansen-Love a dit…

Merci de poser les bonnes questions!

1) En ce qui concerne mon "ton péremptoire" ,je me permettrais de distinguer les propos que je tiens sur mon blog (usage "public" de la raison), c'est-à-dire en tant que citoyenne répondant ici à une action des lycéens, avec ma colère spontanée, qui n'engage que moi.
Dans ma fonction de professeur, en classe, je fais un usage "privé " de ma raison (terminologie de Kant dans "qu'est-ce que les Lumières?") et là je ne dois pas faire état de mes idées personnelles mais susciter le questionnement et l'esprit critique; c'est ce que je tente de faire dans mes corrigés (voir mon corrigé: "peut-on contester les lois?" que je crois très modéré et impartial).
2) Sur le fond : peut-on légitimement contester la loi dans certaines circonstances? Bien sûr que oui!
Sur la "désobéissance civile" je suis d'accord avec le texte de Arendt qui défend la désobéissance à propos de la résistance fameuse de Thoreau à l'esclavage aux Etats-Unis (in "Du mensonge à la violence", De la désobaissnce civile, Presses-Pocket)
En revanche, dans un "Etat de droit", j'estime, à titre personnel, que l'on peut et l'on doit contester les lois (come le recommande Alain : c'est le rôle du "citoyen contrôleur") mais par des procédés non violents, puisque l'Etat nous donne le droit à tous de nous exprimer par toutes sortes de moyens non violents. Ce qui n'était évidemment pas le cas pour les noirs aux Etat-Unis dans les années 50.
Quant à Gandhi, il a choisi la désobéissance non violente; c'est tout son génie et sa grandeur.

Anonyme a dit…

Je tenais à vous dire que j'apprécie beaucoup votre blog et que je ne suis pas d'accord avec la personne qui affirme que vous avez un ton péremptoire. Non seulement, comme vous le rapellez, un blog est fait pour donner son opinion, mais de plus lorsque vous donnez une opinion personnelle, vous la justifiez toujours. Ensuite libre à nous d'être d'accord ou pas.
Ne vous laissez pas décourager par la critique !

Lhansen-Love a dit…

merci beaucoup, j'ai besoin d'encouragements. Par moment je me dis: à quoi bon?
Cela dit j'essaye de ne pas me contenter de donner mon opinion, en effet. Mais d'argumenter. Une opinion soutenue par une argumentation n'est plus exactement une "opinion"